Contexte
Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel introduit par la Cour administrative régionale de Lettonie opposant “Visma Enterprise SIA” et le conseil de la concurrence de la Lettonie (aff.C-306/20 : Demande de décision préjudicielle présentée par l’Administratīvā apgabaltiesa (Lettonie) le 9 juillet 2020 — SIA «Visma Enterprise»/Konkurences padome), la Cour de justice de l’Union européenne (“CJUE”) a rendu un arrêt dans lequel elle précise les modalités d’appréciation d’une clause de priorité pour la réalisation de l’opération de vente insérée dans un contrat de distribution de logiciels informatiques de comptabilité.
La juridiction nationale a demandé à la CJUE si un accord conclu entre un fournisseur et un distributeur en vertu duquel « le distributeur qui a été le premier à enregistrer la transaction potentielle avec l’utilisateur final bénéficie, pendant six mois à compter de l’enregistrement de cette transaction, d’une « priorité pour la réalisation de l’opération de vente , à moins que cet utilisateur ne s’y oppose », peut être qualifié d’« accord ayant pour objet » ou « pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition au sens de l’article 101 §3 TFUE.
La CJUE a rappelé sa jurisprudence constante sur le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord. Ainsi selon la CJUE, l’article 101 §3 TFUE procède à une distinction nette entre la notion de “restriction par objet” et celle de “restriction par effet”.
En ce qui concerne la restriction par objet, la CJUE précise qu’afin de déterminer si cet accord comporte une restriction par objet le critère juridique essentiel réside dans la constatation que l’accord présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, apprécié en fonction de la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère ; et que, la notion de “restriction par objet” doit être interprétée de manière restrictive.
Par conséquent, la CJUE a considéré que cet accord comportant une telle clause de priorité ne peut être qualifié d’accord ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, au sens de cette disposition, à moins que cet accord, eu égard à ses termes, à ses objectifs et à son contexte, puisse être considéré comme présentant le degré de nocivité suffisant à l’égard de la concurrence pour être ainsi qualifié.
En se référant aux différentes imprécisions précitées, la CJUE a donc précisé que la juridiction nationale devra apprécier la teneur exacte de l’accord en cause, ses objectifs ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel il s’insère.
La CJUE a également répondu à la question de savoir si cet accord pouvait bénéficier d’une exemption au titre de l’article 101 §1 TFUE. Elle estime qu’une telle exemption n’est possible que si les conditions cumulatives requises sont réunies. L’arrêt renvoie donc à la juridiction nationale l’appréciation de la réunion des conditions d’exemption.
CJUE, Visma Enterprise SIA contre Konkurences padome, aff. C-306/20
Par Hinda Konaré et Cynthia Picart
05/12/21