Concurrence : Le juge des libertés et de la détention n’est pas tenu de déterminer avec précision le champ d’application géographique des opérations de visite et de saisie (OVS) qu’il autorise.

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Suspectant une pratique anticoncurrentielle par répartition de marchés dans les réponses à appel d’offre de la collectivité de Grenoble-Alpes Métropole dans le secteur de la collecte, de la gestion et du traitement des déchets, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi (DIRECCTE) Auvergne Rhône-Alpes demandait l’autorisation, par requête du 25 septembre 2018, au juge des libertés et de la détention (JLD) du Tribunal de grande instance (TGI) de Lyon, de procéder à des OVS dans les locaux des différentes entreprises mises en cause.

Une ordonnance pour procéder aux visites de la DIRECCTE

Le JLD du TGI de Lyon autorisait, par ordonnance du 1er octobre 2018 (suivie de deux ordonnances rectificatives des 4 et 18 octobre 2018), la DIRECCTE à procéder aux visites, qui se sont déroulées le 18 octobre 2018.

Estimant l’autorisation générale et disproportionnée et les indices insuffisants pour justifier la mesure, les entreprises mises en cause formaient un recours à l’encontre de ces ordonnances devant le premier Président de la Cour d’appel de Lyon et sollicitaient leur annulation.

Par ordonnance du 26 novembre 2019 [1], le premier Président rejetait ce recours et confirmait l’ordonnance du JLD autorisant les visites.

Estimant toujours que l’autorisation était générale et disproportionnée, les entreprises mises en causes formaient un pourvoi devant la Cour de cassation, aux motifs, notamment, que le champ de l’autorisation, qui était national, ne saurait excéder la portée de l’infraction suspectée, et devait être circonscrit aux seules pratiques, produits et territoires pour lesquels l’administration dispose d’indices suffisamment sérieux qui eux, n’étaient que régionaux.

Pour rappel, la décision de l’administration de recourir à la procédure de visite et saisie est régie par l’article L.450-4 du Code de commerce, en vertu duquel « le [JLD] doit vérifier que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée », étant précisé que la demande d’autorisation « doit comporter tous les éléments d’information en possession du demandeur aux OVS de nature à justifier la visite ».

De jurisprudence constante, « l’administration n’a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure de l’article L.450-4 », même si des moyens moins coercitifs sont possibles pour établir l’infraction [2] et les éléments qui fondent les OVS n’ont pas à prouver les infractions recherchées mais doivent fournir un commencement de preuves [3].

Selon la Cour de cassation (Cass. Com., 12 janvier 2022, n°20-80.440) en l’espèce, c’est à bon droit que le premier Président de la Cour d’appel avait considéré que « dans le cadre de la recherche d’une entente illicite, il n’est pas nécessaire que l’enquête définisse un marché précis et une zone géographique limitée », dès lors que l’ordonnance du JLD précisait, de manière suffisante, le secteur d’activité économique concerné et, au vu des indices de pratiques prohibées par la DIRECCTE, que « des agissements analogues étaient susceptibles d’avoir été commis dans ce secteur d’activité, avec d’autres entreprises, dans d’autres lieux », compte tenu notamment de l’envergure nationale de l’une des sociétés mises en cause.

 

Par Mélanie Ravoisier Ranson et Cynthia Picart

 

[1] Cour d’appel de Lyon, Jurid. premier Président, 26 novembre 2019, n° 18/07697

[2] Cass. Crim., 26 oct. 2016, n° 15-83.477 ; 11 juillet 2017, n° 16-81.065

[3] Cass. Crim., 22 janvier 2014, n° 13-81.013


11/04/22

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