Conformité à la Constitution de l’interdiction de l’apposition d’étiquettes non compostables sur les fruits et légumes

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Le Conseil Constitutionnel a été saisi le 26 avril 2023 par le Conseil d’État (décision n° 466929 du 26/04/23), d’une question prioritaire de constitutionnalité.

 

 

Cette question a été posée pour l’association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel) sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 80 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire qui pose le principe selon lequel il est interdit de mettre en vente en France des fruits et légumes sur lesquels sont apposées des étiquettes non compostables.

 

 

L’article 80 de la loi AGEC dispose :

 

 

« Au plus tard le 1er janvier 2022, il est mis fin à l’apposition d’étiquettes directement sur les fruits ou les légumes, à l’exception des étiquettes compostables en compostage domestique et constituées en tout ou partie de matières biosourcées ».

 

 

L’association requérante émet plusieurs griefs à l’encontre de ces dispositions.

 

 

Les griefs de l’association INTERFEL

 

 

Ainsi, l’association reproche à ces dispositions de l’article 80 de la loi AGEC :

 

 

  • de limiter la faculté pour tout opérateur économique d’apposer des étiquettes sur les fruits et légumes aux seules fins de faciliter le compostage domestique, alors qu’existeraient d’autres moyens moins contraignants pour y parvenir. Elles porteraient ainsi selon elle une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.

 

  • d’instituer une double différence de traitement injustifiée, d’une part, entre opérateurs selon que les fruits et légumes sont produits en France ou importés et, d’autre part, entre les exportateurs français et leurs concurrents à l’étranger. Il en résulterait selon elle  une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

 

  • de ne pas définir en des termes suffisamment clairs et précis l’interdiction édictée, alors que sa méconnaissance serait punie d’une amende contraventionnelle, ces dispositions seraient contraires au principe de légalité des délits et des peines.

 

  • d’être consécutivement entachées d’incompétence négative et méconnaîtraient l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

 

Le Conseil Constitutionnel ne partage cependant aucun de ces griefs qu’il écarte un à un dans sa décision du 16 juin 2023 (Cons.const. 16 juin 2023 n°2023-1055 QPC).

 

 

 

Conformité à la Constitution

 

 

Selon le Conseil, en adoptant ces dispositions, le législateur n’a pas porté atteinte au principe de la liberté d’entreprendre.

 

Il a, selon le Conseil,  entendu « favoriser le compostage des biodéchets et la réduction des déchets plastiques pour mettre en œuvre les objectifs de réduction et de valorisation des déchets ménagers. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé« .

 

 

De même qu’ « en déterminant ainsi la portée de l’interdiction, le législateur a apporté aux conditions d’exercice de l’activité économique des entreprises commercialisant des fruits et légumes une restriction qui n’est pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi« .

 

 

S’agissant de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi soutenu par Interfel, là encore le Conseil constitutionnel, dit que ce grief devra être écarté en ce que : « les dispositions contestées, qui interdisent de mettre en vente en France des fruits et légumes sur lesquels sont apposées des étiquettes non compostables, n’instituent aucune différence de traitement selon qu’ils sont produits en France ou importés« .

 

 

Enfin, concernant la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines reproché par l’association, le Conseil juge que « les dispositions contestées n’ont, par elles-mêmes, pour objet ni d’instituer une sanction ayant le caractère d’une punition ni de définir les éléments constitutifs d’une infraction. La circonstance que le pouvoir réglementaire ait sanctionné d’une contravention le manquement à l’interdiction prévue par les dispositions contestées ne saurait leur conférer un tel objet.« 

 

 

Au regard de ce qui précède, le Conseil Constitutionnel a par sa décision du 16 juin, déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article 80 de la loi AGEC.

 

 

 

Par Cynthia Picart


20/06/23

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