Contrefaçon : Quid de la licéité de la publicité d’une décision de justice provisoire ?

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Le titulaire de droits de propriété intellectuelle, partie à une action en contrefaçon, peut-il communiquer une décision de justice provisoire favorable à son égard sans que ne lui soit reproché un acte de dénigrement constitutif d’une concurrence déloyale ?

 

C’est à cette question que la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 7 juillet 2021 (Cass. Com. 7 juillet 2021, pourvoi 20-16094), par l’affirmative en précisant cependant sous quelles conditions une partie à une action en contrefaçon pouvait procéder à cette communication.

 

En l’espèce, la société JC Bamford Excavators Limited (la société JCB) avait engagé contre la société Manitou BF (la société Manitou) une action en contrefaçon de ses brevets européens portant sur un système de commande pour un appareil de manipulation de charge et sur un procédé pour la commande d’une machine de travail.

 

« Par une ordonnance du 31 janvier 2019, le juge de la mise en état, après avoir admis la vraisemblance d’une contrefaçon d’un des brevets a prononcé contre la société Manitou une interdiction de fabriquer et de commercialiser certaines machines susceptibles de contrefaire ce brevet.

 

Le 22 février 2019, à la veille d’un salon professionnel international, la société JCB a publié sur son site internet, et sur les réseaux Linkedin et Twitter, un communiqué de presse en langue anglaise faisant état de cette mesure d’interdiction provisoire.

 

Estimant que la diffusion de ce communiqué par la société JCB constituait un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale, la société Manitou l’a assignée en référé pour qu’il soit mis fin au trouble subi à ce titre. »

 

La Cour, par une appréciation souveraine des éléments de fait qui lui étaient soumis, a « retenu que le titre et le contenu du communiqué se contentaient, dans des termes dénués de tout caractère excessif, de faire connaître aux internautes l’existence d’une décision de justice rendue au profit de la société JCB quelques jours auparavant et ayant prononcé contre la société Manitou une mesure d’interdiction, l’arrêt relève que ce communiqué rappelle expressément le caractère provisoire de la décision rendue, indique le numéro du brevet concerné ainsi que le système précisément visé par l’interdiction. L’arrêt retient ensuite que la décision étant publique, elle pouvait faire l’objet d’une publicité, quand bien même la mesure d’interdiction comme la décision qui la prononce sont « provisoires ». Il retient encore que le communiqué litigieux est dépourvu de tout caractère trompeur, la mention des voies de recours et du juge qui a rendu la décision n’ayant pas à être précisée dès lors que le caractère provisoire de la décision est indiqué. Il retient enfin que le défaut de référence au rejet des demandes concernant le second brevet est indifférent puisque ce dernier n’est pas évoqué dans le communiqué ».

 

Toutefois, si la Cour de cassation retient en l’espèce que la communication faite par le titulaire de droits de la décision de justice qui lui est favorable, est licite cela suppose cependant que cette communication tende à l’objectivité et soit précise notamment sur le caractère provisoire de la décision si tel est le cas, et le titre de propriété industrielle visé par la décision, outre de ne pas présenter un caractère trompeur faute de quoi la publicité pourrait venir caractériser un acte de concurrence déloyale.

 

Cette jurisprudence ouvre ainsi la voie aux titulaires de droits de propriété intellectuelle de l’usage stratégique de la publicité subtile de décision de justice provisoire dans un contexte concurrentiel notamment pour informer et conforter la clientèle, les partenaires et prospects.

 

 

Par Cynthia Picart et Hinda Konaré


23/09/21

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