Droits de visite et de saisie : le Conseil Constitutionnel déclare conforme à la Constitution la saisie de données stockées sur des serveurs distants

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Par une décision du 11 mars 2022, le Conseil constitutionnel déclare conforme à la Constitution la saisie de données stockées sur des serveurs distants (Décision QPC n° 2021-980 du 11 mars 2022).

On se souvient que par un arrêt rendu le 15 décembre 2021, la Cour de cassation renvoyait au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant les dispositions de l’article L.16-B du Livre des Procédures Fiscales (LPF), en ce qu’elles prévoient la possibilité, pour l’administration fiscale, de saisir des données stockées en dehors des lieux autorisés par le juge des libertés et de la détention (JLD), et appartenant à des tiers à la procédure, en l’absence d’autorisation judiciaire spéciale et de recours effectif.

L’article L.450-4 du Code de commerce, issu de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, transposant la loi dite « DDADUE » [1], offre, en des termes identiques, les mêmes prérogatives aux agents des services d’instruction de l’Autorité de la concurrence.

Les requérants considéraient ces dispositions contraires au droit au respect de la vie privée et au droit à un recours juridictionnel effectif, dans la mesure où elles permettent au JLD d’autoriser les agents de l’administration à visiter les lieux depuis lesquels des pièces et documents, se rapportant aux agissements reprochés, sont susceptibles d’être accessibles ou disponibles, y compris les données informatiques stockées à l’extérieur des lieux dans lesquels la visite est autorisée.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée

Après avoir rappelé, en premier lieu, l’intention du législateur d’adapter les prérogatives de l’administration (fiscale) à l’informatisation des données et à leurs stockages sur des serveurs informatiques distants dans l’objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, le Conseil considère que les dispositions contestées procèdent à une conciliation équilibrée entre cet objectif et le droit au respect de la vie privée, dans la mesure où de telles saisies s’effectuent sous l’autorité du JLD et qu’elles ne peuvent être autorisées qu’à la condition que les documents saisis se rapportent aux agissements frauduleux reprochés.

Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif

Les requérants reprochaient à l’article L.16-B du LPF de ne pas prévoir l’information des tiers à la procédure en cas de saisie d’un document informatique leur appartenant lors d’une visite domiciliaire, de sorte qu’ils seraient privés de la possibilité de contester utilement une telle opération, et donc de leur droit à un recours juridictionnel effectif.

Le Conseil écarte là encore ce grief, considérant que, dans la mesure où toute personne visée par l’ordonnance du JLD et occupant les lieux visités, ayant qualité et intérêt à contester la régularité de la saisie d’un document, peut former un recours à l’encontre de cette ordonnance devant le premier président de la cour d’appel [2] .

Cette décision, adoptée en matière fiscale, devrait également prévaloir en matière de visites et saisies autorisées aux fins d’établissement de pratiques contraires au droit de la concurrence.

Par Mélanie Ravoisier Ranson et Cynthia Picart

[1]Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

[2]Dans un délai de 15 jours en matière fiscale, conformément à l’article L.16-B du LPF ; Dans un délai de 10 jours en matière de concurrence, conformément à l’article L.450-4 du Code de commerce.


02/05/22

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