L’Autorité de la concurrence, par sa décision n°20-D-19 du 25 novembre 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des marchés de fourniture de produits alimentaire de l’établissement public national France AgriMer, revient totalement sur sa pratique décisionnelle antérieure à la lumière de la jurisprudence communautaire et plua particulièrement d’un arrêt rendu par la CJUE dans une affaire « Ecoservice projektai » UAB (C-531/16).
Ainsi, alors que jusqu’à présent, l’Autorité de la concurrence considérait comme illicite le fait, pour des filiales d’un même groupe de répondre à un appel d’offres public par des offres apparemment distinctes et autonomes, mais en réalité coordonnées, elle considère désormais que les filiales d’un même groupe, même si elles répondent séparement à un appel d’offres publics constituent cependant une seule entreprise au sens du droit européen de la concurrence.
En l’espèce, dans le cadre de ses missions d’intérêt général, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (« France AgriMer »), établissement public à caractère administratif, organise chaque année des appels d’offres dont l’objet est la fourniture de produits alimentaires à destination d’associations chargées de leur distribution auprès des personnes les plus démunies selon deux modes alternatifs :
Les enquêteurs ont constaté :
En conséquence, il a été fait grief aux « SAS OVIMPEX, DHUMEAUX, MVS et VIANOV en tant qu’auteures en raison de leur participation directe ainsi qu’à la SAS OVIMPEX en sa qualité de société mère d’avoir conclu une convention du 3 janvier 2013 au 1er février 2017 ayant pour objet la mise en place d’une organisation retirant toute autonomie commerciale aux entreprises signataires dans l’élaboration de réponses distinctes mais coordonnées, dans l’exécution des marchés obtenus, et devant être tenue secrète, pratique qui a eu pour objet de tromper les maîtres d’ouvrage sur la réalité et l’étendue de la concurrence sur les marchés, et est contraire aux dispositions des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, prohibant les ententes anticoncurrentielles ».
Toutefois, après avoir rappelé que les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce prohibent les accords ou pratiques concertées conclus entre des entreprises, c’est-à-dire entre des unités économiques distinctes, l’Autorité souligne dans sa décision que la pratique décisionnelle et la jurisprudence, tant nationale qu’européenne, considèrent que les articles réprimant les ententes ne sont pas applicables aux accords ou pratiques mis en œuvre au sein d’une même unité économique.
Et d’ajouter que, selon la jurisprudence comunautaire, dans le cas où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale, elle est présumée, de façon réfragable, exercer une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et former avec elle une unité économique.
Dès lors, l’Autorité de la concurrence, à la lumière de cette jurisprudence, a considéré que les quatre sociétés, société mère et filiales du groupe au moment des faits, mises en cause constituent donc une même unité économique au sens du droit de la concurrence, nonobstant la remise séparée des réponses aux appels d’offres organisés par France AgriMer.
Il s’ensuit qu’en l’absence d’éléments permettant de caractériser l’autonomie des filiales du groupe Ovimpex, l’Autorité a considéré que les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ne sont pas applicables aux accords conclus entre les sociétés mises en cause dans le cadre de la soumission aux marchés publics organisés par France AgriMer.
L’Autorité prononce en conséquence un non-lieu.
Cette décision, bien qu’opérant un revirement de la pratique décisionnelle de l’Autorité de la concurrence, ne doit cependant éluder le risque de sanction encouru par les filiales d’un groupe soumissionnant au même marché public par des offres apparemment distinctes et autonomes, mais en réalité coordonnées, au titre du droit des marchés public dès lors qu’un telle pratique serait susceptible d’induire en erreur et de tromper l’acheteur public et fausser les résultats du processus de commande publique.
Par Cynthia Picart
26/11/20