Focus sur la loi DDADUE et ses conséquences pour les entreprises en matière de pratiques restrictives de concurrence

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La loi dite DDADUE du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière  vise à mettre en conformité le droit national au regard des exigences de l’Union européenne.

La loi divisée en treize chapitres, transpose ou habilite à transposer dix-huit directives et met en conformité le droit national avec pas moins de quatorze règlements de l’Union européenne.

Il s’agit là d’un texte extrêmement dense et ambitieux qui porte sur diverses matières, à savoir notamment, la concurrence, la consommation, la finance, la fiscalité, l’énergie, l’audiovisuel, la propriété intellectuelle, et poursuit un objectif : renforcer le marché intérieur.

Cette loi dite DDADUE a été publiée au journal officiel le 4 décembre 2020. Certaines de ses dispositions sont entrées en vigueur le 5 décembre 2020, les autres le seront une fois que le Gouvernement aura pris les ordonnances de transposition visées par la loi.

Cette loi hétérogène modifie notamment en partie le Code de commerce avec des conséquences à venir directes dans les relations commerciales B to B que les entreprises doivent dès à présent anticiper.

Quels sont les changements à venir pour les entreprises en matière de pratiques restrictives de concurrence?

Ceux-ci portent principalement sur les pratiques restrictives de concurrence et plus particulièrement :

  • sur les pratiques commerciales déloyales  dans les relations entre entreprises dans la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire (i); et

  • sur l’équité et la transparence du traitement des entreprises utilisatrices de plateformes d’intermédiation (ii).

(i)Ainsi, la loi autorise le Gouvernement à transposer dans le droit national la directive relative à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales entre acheteurs et fournisseurs de produits alimentaires ou agricoles

En effet, l’article 9 de la loi DDADUE autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de transposer la directive 2019/633 du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire.

L’harmonisation ne concernera que les pratiques imposées par les acheteurs aux fournisseurs dans la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire, ce qui nécessitera d’établir de nouvelles distinctions au sein des règles déjà existantes en droit français.

Pour mémoire, cette directive est d’harmonisation minimale ce qui signifie que les Etats membres ont le droit de fixer des normes plus élevées que celles définies dans la directive.

Manifestement, la France entend maintenir un niveau de protection élevée dans le cadre des relations commerciales entre acheteurs et fournisseurs en atteste le fait que la directive prévoit une condition de chiffre d’affaires, pour mesurer une possible disproportion dans le pouvoir de négociation entre acheteurs et fournisseurs, ce que le législateur français n’entend pas retenir.

S’agissant du calendrier de transposition, l’ordonnance de transposition devra être adoptée le 4 juin 2021 puis ratifiée par le Parlement.

(ii) La loi DDADUE a créé un nouveau cas de responsabilité à toutes personnes proposant un service d’intermédiation en ligne, en cas de non-respect du règlement Plateform to Business.

En effet, l’article 9 II. 1° de la loi DDADUE, a ajouté à l’article L. 442-1 du Code de commerce, un nouveau cas de responsabilité à l’égard de toute personne proposant un service d’intermédiation en ligne, en cas de non-respect des obligations prévues par le règlement (UE) 2019/1150 du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne (« règlement Plateform to Business »).

L’article L.442-1 du Code de commerce comprend désormais un III rédigé comme suit :

« III. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne proposant un service d’intermédiation en ligne au sens du règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, de ne pas respecter les obligations expressément prévues par le même règlement.

Toute clause ou pratique non expressément visée par ledit règlement est régie par les autres dispositions du présent titre. »

Pour mémoire, le règlement du 20 juin 2019  impose de nombreuses obligations aux fournisseurs de plateformes en lignes à l’égard des utilisateurs professionnels.

A ce titre, les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne doivent veiller à ce que leurs conditions générales soient rédigées de manière claire et compréhensible et qu’elles soient accessibles durant toute la relation commerciale mais également lors la phase précontractuelle. Enfin, toute modification des conditions générales doit être annoncée au moins quinze jours à l’avance aux entreprises utilisatrices.

Plus précisément et afin de protéger les entreprises utilisatrices des services de ces plateformes, les conditions générales doivent contenir les informations suivantes :

  • les motifs des décisions de suspension, de résiliation ou d’imposition de toute autre restriction de la fourniture de leurs services d’intermédiation en ligne à des entreprises utilisatrices (articles 3 et 4) ;
  • les effets des conditions générales sur la propriété et le contrôle des droits de propriété intellectuelle des entreprises utilisatrices (article 3) ;
  • les principaux paramètres déterminant le classement et leur importance, ainsi que l’influence sur le classement de toute rémunération directe ou indirecte par les entreprises utilisatrices (article 5) ;
  • une description des biens et services accessoires proposés, en précisant si, et dans quelles conditions, l’entreprise utilisatrice est également autorisée à proposer ses propres biens et services accessoires par le biais des services d’intermédiation en ligne (article 6) ;
  • une description de tout traitement différencié ainsi que les principales considérations économiques, commerciales ou juridiques à l’origine de celui-ci (article 7) ;
  • une description d’un potentiel accès technique et contractuel à toute donnée à caractère personnel et/ou à d’autres données, que les entreprises utilisatrices ou les consommateurs transmettent pour l’utilisation des services d’intermédiation en ligne concernés ou qui sont produites dans le cadre de la fourniture de ces services, ainsi que les informations conservées à l’expiration du contrat (articles 8 et 9) ;
  • les informations sur les conditions auxquelles les entreprises utilisatrices peuvent mettre fin à la relation contractuelle avec le fournisseur de services d’intermédiation en ligne (article 8) ;
  • les coordonnées de deux médiateurs au moins avec lesquels les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne sont prêts à prendre contact en vue de parvenir à un accord avec les entreprises utilisatrices sur le règlement extrajudiciaire de tout litige (article 12).

Les fournisseurs de services d’intermédiation en ligne doivent en outre mettre à disposition un système interne de traitement des plaintes émanant des entreprises utilisatrices, à l’exception des fournisseurs de services d’intermédiation en ligne qui sont des petites entreprises au sens de l’annexe de la recommandation 2003/361/CE (i.e. les entreprises qui occupent moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions €).

Selon les nouvelles dispositions de l’article L. 470-1, I du Code de commerce  le non-respect des dispositions du règlement pourra faire l’objet d’une injonction par l’Administration, le cas échéant assortie d’une astreinte journalière et/ou une mesure de publicité.

L’ensemble de ces dispositions est d’application immédiate.

Par Cynthia Picart


10/01/21

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