En condamnant Google pour abus d’exploitation (décision 19-D-26 du 19 décembre 2019), l’Autorité de la concurrence marque une nouvelle étape dans le contrôle des plateformes dominantes.
Etaient visées en l’espèce les règles de fonctionnement de Google Ads (la régie publicitaire de Google), et plus particulièrement celles visant à interdire les publicités en provenance de sites malveillants pouvant porter atteinte aux consommateurs.
Cette décision est inédite au regard de l’étendue du contrôle que fait l’Autorité de la concurrence des règles de fonctionnement de la plateforme.
Si elle rappelle que l’édiction de telles règles, visant à protéger le consommateur, est en soit positive, elle estime qu’en l’espèce ces règles n’ont pas été définies et appliquées de manière objective, transparente et non-discriminatoire.
En particulier, leur manque de clarté conduisait à une entière discrétion de Google Ads pour contrôler leur respect, ce qui plaçait les opérateurs dans une grande incertitude quant à la conformité de leurs annonces avec ces règles. De plus, l’Autorité note qu’en pratique elles étaient appliquées de manière discriminatoire dans la mesure où des opérateurs placés dans des situations comparables faisaient l’objet d’une différence de traitement.
Cette décision est d’autant plus inédite que l’Autorité adopte une méthode surprenante de calcul de la sanction.
Tout d’abord, elle écarte l’application du communiqué sanctions pour retenir une amende tarifaire, au motif que Google Ads avait déjà été condamné pour ses règles de fonctionnement par le passé (décision 10-D-30 du 28 octobre 2010).
Cela lui permet d’imposer une sanction relativement lourde (150 millions d’euros), qu’elle justifie par le fait que cette nouvelle condamnation prouve le non-respect par Google des engagements souscrits en 2010.
Une telle méthode de calcul s’avère cependant problématique au regard des droits de la défense. Pour pouvoir inclure le non-respect des engagements préalablement souscrits dans le calcul de l’amende, l’Autorité aurait dû baser sa décision sur le fondement de la réitération des pratiques et établir une procédure d’enquête parallèle en ce sens, ce qu’elle n’a pas fait.
Ainsi, l’entreprise voit sa sanction alourdie sans avoir eu la possibilité de présenter son point de vue sur la question du non-respect de ses engagements à travers une procédure contradictoire ad hoc.
21/12/19