La directive sur les pratiques commerciales déloyales, une menace pour les pratiques restrictives de concurrence ?

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Contrairement à d’autre Etats, le droit français de la concurrence recouvre deux grandes branches d’infractions :

  • les pratiques anticoncurrentielles et,
  • les pratiques restrictives de concurrence.

Si le droit des pratiques anticoncurrentielles s’inspire très largement du droit européen et ne pose pas de difficultés majeures ; le droit des pratiques restrictives de concurrence soulève quant à lui débat.

En effet, la conformité du droit des pratiques restrictives par rapport au droit européen n’est toujours pas tranchée.

La France reste par exemple sous la menace constante d’une sanction de la Cour de justice de l’Union européenne qui a déjà condamné, en 2013, la Belgique à raison de l’existence dans sa législation de l’interdiction générale de revente à perte, pratique restrictive de concurrence existante également en droit français.

Malgré cette condamnation de la Belgique, la France n’entend pas à date supprimer son régime des pratiques restrictives de concurrence.

Récemment, l’article 17 de la loi EGALIM (Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous) a habilité le gouvernement à réécrire le titre IV livre IV du code de commerce.

Cette réforme maintient l’interdiction de la revente à perte et allège les infractions de l’ancien article L.442-6 du code de commerce.

Désormais, il ne reste que trois infractions de la quinzaine présentes dans l’ancien article L.442-6  du code de commerce lesquelles correspondent à l’avantage sans contrepartie ou manifestement excessif, le déséquilibre significatif et la rupture brutale.

La réforme a le mérite de simplifier le régime des pratiques restrictives toutefois, elle manque d’anticipation puisqu’elle n’a pas pris en compte la proposition de directive du 12 avril 2018 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

Or, le 12 mars 2019, le Parlement européen a adopté à la majorité ce projet de directive sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises de la chaine agro-alimentaire. Le nouveau texte présente trois différences fondamentales avec le régime français existant. La directive est limitée à la vente des produits agricoles et alimentaires et s’applique exclusivement aux fournisseurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 350 millions d’euros. Enfin, ce texte répond à une logique différente en ce qu’il prévoit un régime de clauses grises et noire inspiré de la directive du 11 mars 2005 (2005/29/CE).

La Directive a été approuvée formellement par le Conseil le 17 avril 2019 (Directive (UE) 2019/633 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur les pratiques commerciales déloyales dans les relations interentreprises au sein de la chaîne d’approvisionnement agricole et alimentaire).

Elle établit une liste de pratiques déloyales parmi lesquelles on distingue :

  • Les pratiques considérées comme déloyales par leur nature : les retards de paiements, les annulations tardives de commandes, refus par un acheteur de confirmer par écrit les conditions de l’accord de fourniture, les menaces de représailles.
  • Les pratiques considérées comme déloyales au regard du contrat en présence: les modifications unilatérales des conditions contractuelles qui ont été approuvées, pratiques visant à ce qu’un fournisseur paie les coûts résultant du stockage de l’exposition ou du référencement des produits agricoles et alimentaires ou la mise à disposition de ces produits sur le marché ces frais qui sont normalement supportés par les distributeurs. La contribution du fournisseur aux coûts de commercialisation de publicité et de promotion des produits agricoles et alimentaires.

En dehors du champ d’application de la directive, les Etats membres disposent de la faculté de prévoir des règles plus strictes. Ce qui conduit à se demander si le droit des pratiques restrictives de concurrence répond à ces minimas ou s’il doit faire l’objet d’une seconde réforme.

Il est ici à préciser que la Directive précise que les États membres adoptent et publient, au plus tard le 1er mai 2021, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive et doivent appliquer ces dispositions au plus tard le 1er novembre 2021.

A suivre donc.


22/04/19

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