La Cour de cassation a rendu une intéressante décision apportant deux précisions utiles sur le champs d’application du déséquilibre significatif et sur la définition du « partenaire commercial » visé par la loi au sens du déséquilibre significatif (Cass.com. 15 janvier 2020, n°18-10.512).
En l’espèce, une société proposait à des clients professionnels de créer, pour leur entreprise, un site Internet et de le mettre à leur disposition pour une durée de quarante-huit mois, tacitement renouvelable pour un an, en leur faisant signer un contrat d’abonnement de sites Internet et un contrat de licence d’exploitation, lequel était ensuite cédé à un loueur financier qui devenait alors créancier des sommes dues périodiquement par le client.
Plusieurs clients ont dénoncé les pratiques commerciales de cette société proposant des créations et mises à disposition de sites Internet au Ministre de l’économie selon lesquelles, les contrats conclus avec cette société contenaient des clauses de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du client.
Le Ministre de l’économie a donc introduit une procédure judiciaire à l’encontre de cette société et des sociétés de financement participant au mécanisme contractuel proposé aux entreprises client de la société informatique.
A l’occasion de ce litige, la Cour de cassation s’est prononcée sur le champ d’application des dispositions de l’article L. 442-6, I, 1° et 2° du Code de commerce.
La Cour a confirmé la position de la Cour d’appel en retenant que le droit des pratiques restrictives de concurrence est inapplicable aux sociétés de financement du fait que ce type de société est régit par les dispositions spécifiques du Code monétaire et financier qui mentionnent uniquement qu’elles sont assujetties aux droits des pratiques anticoncurrentielles (article L.511-4 du Code monétaire et financier). Il s’en déduit donc que le législateur n’a pas entendu leur étendre l’application des textes relatifs aux pratiques restrictives de concurrence.
Mais l’apport le plus important de cet arrêt, réside dans la définition donnée par la Cour de cassation du partenaire commercial en matière de déséquilibre significatif.
En appel, la Cour a considéré que la société qui créait et louait les sites ne remplissait pas les critères du partenaire commercial, puisque sa relation avec ses clients n’était marquée ni par une “volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble” ni par un “courant d’affaires stable et continu », les parties étant simplement liées par une convention de location d’un site internet. La Cour d’appel s’inspirait ainsi de la jurisprudence des ruptures brutales des relations commerciales établies pour définir en matière de déséquilibre significatif, par analogie, le partenaire commercial.
Par cet arrêt publié au bulletin, la Cour de cassation vient clarifier les choses quant à la définition du « partenaire commercial » en matière de déséquilibre significatif en posant le principe selon lequel, en matière de déséquilibre significatif, la relation ne nécessite pas d’être inscrite dans la durée et s’applique à tout partenaire.
La Cour de cassation définit le partenaire commercial, comme “une partie avec laquelle l’autre partie s’engage, ou s’apprête à s’engager, dans une relation commerciale« . Ici donc, contrairement à la position de la Cour d’appel, il n’est en rien exigé une volonté de collaboration se développant dans le temps, ni une réciprocité autour de ce projet commun, critères non prévus par la loi, pour caractériser un « partenaire commercial ».
Il est précisé que l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées a reformé le déséquilibre significatif et remplacé la notion de partenaire commercial par celle, bien plus large, “d’autre partie” de sorte que la définition du « partenaire commercial » ayant été abandonnée, la question de la définition de cette notion en matière de déséquilibre significatif devrait désormais ne plus susciter de débats.
Toutefois, en raison des règles d’application de la loi dans le temps de l’ordonnance, la définition donnée ici par la Cour de cassation conserve tout son intérêt.
22/01/20