Mis en cause pour pratiques restrictives par l’action du Ministre de l’économie devant le Tribunal de commerce, Intermarché craignait qu’il soit porté atteinte à son secret des affaires à raison d’informations confidentielles le concernant figurant dans l’assignation du Ministre et les pièces visées au soutien.
Elle intenta donc un recours afin d’obtenir la protection de son secret des affaires, en référé puis en appel.
Par un arrêt du 8 avril 2021 (CA Paris, Pôle 1, Ch. 2, 8 avril 2021, RG 21/05090, ITM Alimentaire International c/ Ministre de l’économie, des finances et de la relance), la Cour s’est prononcée sur la protection des secrets d’affaires contenus dans l’assignation relative à de pratiques restrictives de concurrence et apporte un éclairage intéressant sur le bénéfice de la protection et l’aménagement de la communication d’informations couvertes par le secret des affaires afin de préserver les droits de la défense.
Le 19 février dernier, le Ministre de l’économie délivra une assignation à l’encontre de sociétés du groupe ITM Alimentaire International (parmi lesquelles figurent les centrales internationales de services AGECORE et ITM Belgique) et de l’un de ses commissionnaires en charge de la négociation d’accords internationaux devant le Tribunal de Commerce.
Cette assignation s’inscrivait, pour rappel, dans le cadre des enquêtes menées par la DGCCRF depuis 2018 sur l’activité des deux centrales. Il en est ressorti la découverte de diverses pratiques commerciales abusives : le groupe aurait en effet imposé à ses fournisseurs la conclusion préalable de contrats internationaux avec les deux centrales pour pouvoir continuer à bénéficier du réseau Intermarché en France.
Parallèlement à cette assignation, le distributeur avait saisi le juge des référés en faisant valoir que l’assignation ainsi que des pièces l’accompagnant, comportaient des informations couvertes par le secret des affaires. ITM a toutefois été déboutée de sa demande au motif d’une part, qu’il n’y avait pas lieu à référé, et d’autre part, que c’était à elle de mettre en place un cercle de confidentialité au regard de l’article R. 153-3 du Code de commerce.
La société interjeta appel de l’ordonnance rendue par le juge des référés devant la Cour d’appel de Paris.
Selon la Cour, il convient d’examiner si ces informations “sont connues par un nombre restreint de personnes, si elles ont une valeur commerciale effective ou potentielle et si elles ont fait l’objet de mesures de protection raisonnables pour en conserver le secret”. Tel serait le cas en l’espèce, que ce soit pour les données contenue dans l’assignation elle-même que pour celles contenues dans les pièces jointe à cette assignation. Les informations suivantes seraient incontestablement non-publiques, non aisément accessibles et suffisamment récents pour demeurer sensibles et stratégiques : les informations chiffrées sur les montants facturés par la société ITM AI à la société ITM AB pour l’année 2018, sur la réduction de prix globales obtenue par ITM AI auprès de fournisseurs ou encore les extraits de contrats cadre avec des fournisseurs nommément désignés.
Certaines seraient d’ailleurs couvertes par des clauses de confidentialité.
Selon la Cour, les dispositions de l’article L.151-7 du Code de commerce, bien qu’interdisant d’opposer au Ministre le secret des affaires pour refuser de communiquer certains éléments, ne permet pas au Ministre de transmettre sans aucune contrainte à d’autres parties à la procédure, des éléments qui seraient opposables à ces parties.
De plus, l’article L.154-2 du Code de commerce est expressément prévu pour protéger le secret des affaires en la matière : les mesures préventives instituées par le texte ne sauraient être limitées aux seules pièces produites, “mais également aux actes qui contiennent explicitement les informations protégées, telles que les conclusions ou les actes introductifs d’instance, lorsque pour le besoin de leur motivation ces actes reprennent tout ou partie du contenu de ces pièces”. Elle « présuppose donc la délivrance et le placement d’une assignation ».
Enfin, les mesures demandées ne sauraient porter atteinte aux droits de la défense. La Cour considère en effet que l’aménagement sur la communication d’informations couvertes par le secret des affaires ne doit pas obérer le droit de la société d’être informée des poursuites engagées à son encontre et de lui permettre d’accéder aux éléments nécessaires à sa défense.
Par Cynthia Picart et Laurane Farrugia
15/04/21