La réparation du dommage concurrentiel : notion d’entreprise

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La Directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne, dite Directive « Dommages », transposée en droit français le 10 mars 2017,  permet aux victimes de pratiques anticoncurrentielles d’obtenir la réparation intégrale de leur préjudice (« private enforcement« ) par la voie d’action judiciaire privée et vise à harmoniser au niveau européen les règles des États membres encadrant les actions en dommages et intérêts. 

Si cette directive est venue fixer les contours de l’action, certaines interrogations subsistent quant à son articulation avec les règles communes du droit de la concurrence.

Dans une décision du 14 mars 2019 (CJUE, 14 mars 2019, Vantaan kaupunki c/ Skanska Industrial Solutions, aff. C-724/17), la Cour de justice de l’Union européenne est venue préciser la notion d’entreprise et son application dans le cadre d’une action privée en réparation de dommage concurrentiel.

En l’espèce, dans une affaire d’entente sur le marché de l’asphalte en Finlande, la Cour administrative suprême de Finlande a condamné le 29 décembre 2009 pour la violation de l’article 101 du TFUE à la fois :

  • les entreprises ayant personnellement participé à l’entente encore en activité
  • et celles ayant repris l’activité économiques des entreprises dissoutes ayant participé à l’entente, ce en vertu du principe de continuité économique.

En suite de cette décision, la ville de Vantaan a introduit une action judiciaire en réparation de son préjudice. A ce titre, elle a sollicité la condamnation solidaire de toutes les entreprises ayant été condamnées au titre de l’entente en ce compris les repreneurs des entreprises dissoutes. La cour d’appel finlandaise a cependant jugé que la ville de Vantaan ne pouvait obtenir une réparation de son dommage de la part des acquéreurs des entreprises dissoutes au motif qu’en droit finlandais, toute société par action est une entité juridique distincte, dotée de son propre patrimoine et assumant sa propre responsabilité de sorte que le principe d’effectivité ne pouvait remettre en cause la notion d’entreprise du droit finlandais.

La victime a alors formé un pourvoi à l’encontre de cette décision. A l’occasion de ce pourvoi, la juridiction finlandaise a saisi la Cour de justice de l’Union européenne de trois questions préjudicielles. Ces questions visaient à définir si la détermination des entités tenues d’indemniser un dommage lié à des pratiques contraires à l’article 101 du TFUE relève du droit européen.

La Cour de justice de l’Union européenne a précisé dans sa décision du 14 mars 2019 que la détermination de l’entité tenue de réparer le préjudice causé par une infraction à l’article 101 du TFUE est directement régie par le droit de l’Union et non le droit national.

La Cour a également souligné que la notion d’entreprise au sens de l’article 101 du TFUE constitue une notion autonome du droit de l’Union et ne saurait avoir une portée différente dans le contexte des actions en dommage et intérêts pour la violation des règles de concurrence de l’Union.

Ainsi, la Cour de justice étend l’application de la notion d’entreprise et, donc le principe de continuité économique aux actions privées en réparation. Il s’ensuit que la responsabilité des entreprises poursuivant l’activité économique de sociétés dissoutes ayant participé à une pratique anticoncurrentielle peut être engagée par les victimes de ladite pratique.

 

 


19/03/19

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