L’Autorité de la concurrence adapte et précise sa méthode pour déterminer les sanctions

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Après une vaste consultation publique organisée en juin 2021, l’Autorité de la concurrence a rendu public, le 30 juillet 2021, son nouveau communiqué de procédure relatif à la méthode de détermination des sanctions, qui abroge et remplace le précédent communiqué du 16 mai 2011.

 

Ce nouveau communiqué tient compte des modifications législatives issues de la directive dite « ECN+», transposée en droit interne par la Loi « DDADUE » et l’Ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, s’appuie sur la pratique décisionnelle de l’Autorité et intègre certains principes appliqués par la Commission Européenne.

 

Retour sur les modifications ou précisions notables apportées par l’Autorité dans son nouveau communiqué :

 

  • Le communiqué engage l’Autorité, mais cette dernière est libre de s’en écarter sous réserve de motiver son choix par des considérations d’intérêt général ou propres au cas d’espèce (§6) ;

 

  • Conformément à l’Ordonnance du 26 mai 2021[1] qui supprimait le critère du dommage causé à l’économie, les sanctions pécuniaires sont désormais déterminées selon la méthode et en fonction des quatre critères suivants (§§ 18 et 19) :

 

  • Détermination du montant de base de la sanction pécuniaire pour chaque mise en cause, en prenant en considération la gravité des faits et, désormais, la durée des pratiques ;
  • Individualisation du montant pour que soient pris en considération les éléments propres au comportement et à la situation individuelle des mises en cause (circonstances atténuantes et/ou aggravantes), à l’exception de la réitération, devenu un critère autonome ;
  • Prise en compte, le cas échéant, de la réitération ; et
  • Ajustements finaux : comparaison avec le plafond légal de la sanction[2], prise en compte, le cas échéant, de la clémence et de la capacité contributive de la mise en cause.

 

Détermination du montant de base de la sanction

L’Autorité précise que la valeur des ventes prises en compte est la valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l’infraction vendues par la/les mises(s) en cause durant son dernier exercice comptable complet de participation. L’Autorité fournit un exemple de cette relation indirecte : les accords de prix horizontaux portant sur un produit donné, lorsque le prix de ce produit sert ensuite de base pour le prix de produits de qualité supérieure ou inférieure (§22).

 

L’Autorité rappelle qu’elle peut adapter cette méthode si elle estime que la référence à la valeur des ventes, ou ses modalités de prise en compte, aboutirait à un résultat ne reflétant « manifestement » pas l’ampleur économique de l’infraction ou le poids relatif de chaque entreprise qui y a pris part.

 

Aux situations déjà évoquées dans son communiqué précédent, l’Autorité ajoute le cas d’une infraction portant sur un marché biface ou multiface, dont les particularités permettent à l’entreprise concernée de monétiser une face du marché par une ou plusieurs autres faces (infraction par une plateforme de vente en ligne, par exemple) ; dans un tel cas, l’Autorité peut tenir compte de la valeur des ventes réalisées par l’entreprise concernée sur les marchés amont, aval et connexe, lorsque ces derniers sont en lien direct ou indirect avec l’infraction (§ 26).

 

Appréciation de la gravité des faits

Complétant la liste non exhaustive des éléments dont elle peut tenir compte pour apprécier la gravité des pratiques, l’Autorité précise que peuvent être pris en considération le volume, la diversité de l’offre, la qualité, le coût, l’innovation et la protection de l’environnement, la spécificité des marchés en cause (ex : la santé), les personnes susceptibles d’être affectées ou encore la connaissance du caractère infractionnel de la pratique (§28).

 

Comme précédemment, la proportion de la valeur des ventes retenue par l’Autorité en considération de la gravité des faits est comprise entre 0 et 30%, étant désormais précisé que l’Autorité, dans une démarche dissuasive, s’octroie la possibilité de punir plus sévèrement les abus de position dominante et ententes horizontales les plus graves, en ajoutant à la proportion des ventes une somme comprise entre 15 et 25% de la valeur des ventes.

 

durée de l’infraction

L’Autorité consent à renoncer au mode de calcul retenu par la Commission[3], et précise que les périodes de moins d’un semestre de participation à l’infraction sont comptabilisées, non pas comme une demi-année, mais au prorata temporis de la durée de la participation (§ 34).

 

Individualisation de la sanction

L’Autorité complète la liste des circonstances atténuantes susceptibles de réduire le montant de base de la sanction (cessation des pratiques, coopération effective avec l’Autorité, mises en œuvre de mesures réparatrices, etc.) et peut aussi décider de majorer la sanction lorsqu’il résulte de ses constatations que les gains illicites estimés réalisés par la/les mise(s) en cause concernée(s) sont supérieurs au montant de la sanction pécuniaire qu’elle pourrait prononcer (§§ 37 et 42).

 

La réitération

Rappelant que la réitération constitue une circonstance aggravante d’une importance particulière justifiant qu’elle soit prise en considération de manière autonome, l’Autorité précise que les deux décisions prises en compte devront porter sur des pratiques de même nature et constater une infraction, supprimant la référence aux décisions de mesures conservatoires et d’engagements qui n’opèrent pas le constat d’une infraction (§44).

 

 

Par Cynthia Picart et Mélanie Ravoisier-Ranson

 

 

[1] Article 2 XVIII

[2] Code de commerce, article L. 464-2 sixième et septième alinéas : le montant maximum de la sanction pécuniaire est de 10 % du CA mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre, ou  lorsque le contrevenant est une association d’entreprises, de 10 % du CA mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

[3] Lignes directrices de la Commission, §24


26/08/21

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