En novembre 2019, l’AFP et plusieurs organisations professionnelles représentant des éditeurs de presse saisissaient l’Autorité de la concurrence pour dénoncer les pratiques mises en œuvre par Google sur les secteurs de la presse, des services de communication au public en ligne et de la publicité en ligne.
Elles accusaient Google d’abuser de sa position dominante pour avoir, un mois avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 qui créait un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse et posait le principe d’une négociation équilibrée avec les services de communication en ligne, informé les éditeurs et agences de presse qu’elle n’entendait plus afficher les extraits d’articles, photographies et vidéos au sein de ses services (Google Search, Google Actualités et Discover), sauf à ce que les éditeurs lui accordent une licence à titre gratuit.
Pris en tenaille dans un secteur déjà en crise et pour assurer leur viabilité économique, ils avaient non seulement concédé, dans leur grande majorité, une licence gratuite à Google, mais lui avaient aussi consenti un droit de reprise de leur contenu sur les services de Google plus large que par le passé.
Parallèlement à leurs saisines au fond, les saisissantes sollicitaient le prononcé de mesures conservatoires visant à enjoindre Google d’entrer de bonne foi dans une négociation avec eux.
C’est ainsi que par sa décision 20-MC-01 du 9 avril 2020, confirmée dans sa quasi-intégralité par la Cour d’appel de Paris le 8 octobre 2020, l’Autorité enjoignait notamment Google de :
En août et septembre 2020, l’Autorité était de nouveau saisie pour inexécution par Google des injonctions prononcées dans la décision 20-MC-01.
Par une décision rendue le 12 juillet 2021, l’Autorité sanctionne Google à hauteur 500 millions d’euros, l’enjoint de se conformer auxdites injonctions sous astreinte de 300 000 euros par jour de retard.
Les manquements constatés par l’Autorité sont les suivants :
Google a manqué à son obligation de négocier de bonne foi en entretenant, de manière constante, un lien entre les discussions portant sur la rémunération des droits voisins et la conclusion d’un nouveau partenariat global (« PCN ») qui portait sur de nouveaux services, et notamment le service dénommé Showcase. Par ce partenariat, Google a cherché à obtenir une licence portant sur l’intégralité des contenus des éditeurs, sans valorisation financière spécifique des droits voisins.
Google a en outre exclu le principe d’une rémunération des contenus ne disposant pas de la qualification « information politique et générale » (IPG) et a refusé aux agences de presse, pendant la quasi-totalité des négociations, le bénéfice d’une rémunération de leurs contenus repris par les éditeurs.
Google a enfin retenu une conception restrictive de la notion de revenus tirés de l’affichage du contenu, en ne prenant en considération que les revenus publicitaires (Google Ads), à l’exclusion des autres formes de revenus indirects générés sur d’autres services tels que Google Search, Google Actualités ou Discover.
L’Autorité constate que les communications d’informations par Google ont été soit partielles, soit tardives, soit non spécifiques, de sorte qu’elles ne permettaient pas à l’éditeur ou à l’agence de faire le lien entre l’utilisation par Google du contenu protégé, les revenus qu’elle en tire et sa proposition financière.
L’Autorité constate qu’en établissant un lien entre les négociations sur la rémunération des droits voisins et celles de nouveaux partenariats (ex : Showcase), Google a violé l’obligation de neutralité des négociations sur la présentation des contenus protégés sur les services Google, dès lors que ce lien pouvait emporter des conséquences importantes sur la visibilité des éditeurs sur ces services.
Pendant la quasi-totalité de la période de négociation, Google a conditionné l’accès au programme de partenariat global Showcase à l’acceptation par les éditeurs et agences de presse d’une rémunération globale, sans rémunération spécifique au titre de l’utilisation actuelle de contenus protégés au titre des droits voisins. Or, l’Autorité constate que l’accès à ce programme emportait des conséquences significatives en termes de visibilité pour les éditeurs et agences de presse. Le mécanisme mis en place par Google était ainsi de nature à inciter fortement ces derniers à accepter les conditions imposées par Google sous peine de voir leurs conditions de visibilité se dégrader à l’égard des autres éditeurs et agences de presse qui avaient accepté de participer à ce programme.
Pour l’Autorité, s’il est loisible à Google de proposer de nouveaux partenariats tels que Showcase, il lui appartenait néanmoins de permettre aux éditeurs et agences de presse de négocier une rémunération distincte, portant que sur les utilisations actuelles des contenus protégés.
Google reste ainsi tenu au respect de l’ensemble des injonctions prononcées par l’Autorité dans sa décision du 9 avril 2020, jusqu’à l’adoption par l’Autorité de sa décision sur le fond. Affaire à suivre donc…
Par Cynthia Picart et Mélanie Ravoisier-Ranson
19/07/21