Le « Digital Services Act Package » : politique numérique européenne en discussion

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Dans le cadre de la stratégie numérique européenne, Shaping the Europe’s Digital Future, il a été annoncé que la Commission européenne améliorerait les règles régissant les services numériques dans l’UE. La Commission européenne a proposé deux initiatives législatives:

  • la loi sur les services numériques (Digital Services Act) portant sur l’amélioration des mécanismes de suppression de contenus illicites, de protection du consommateur et de surveillance des plateformes en ligne ; et
  • la loi sur les marchés numériques (Digital Market Act) portant sur la lutte contre les conséquences négatives découlant de certains comportements constatés des plateformes agissant comme “contrôleurs d’accès” sur les marchés numériques.

Digital Services Act

Principaux objectifs poursuivis par cette loi

Un rééquilibrage des responsabilités des utilisateurs, des plateformes et des pouvoirs publics , en plaçant les citoyens au centre des préoccupations. Les règles visent à:

  • mieux protéger les consommateurs et leurs droits fondamentaux en ligne
  • mettre en place un cadre solide pour la transparence des plateformes en ligne et clair en ce qui concerne leur responsabilité
  • favoriser l’innovation, la croissance et la compétitivité au sein du marché unique

Les prestataires de services concernés

Ce futur cadre réglementaire serait applicables aux services intermédiaires (fournisseurs d’accès à internet par exemple), aux services d’hébergement (les services en nuage ou d’hébergement), aux plateformes en ligne (réunissant des vendeurs et des consommateurs) et aux très grandes plateformes en ligne (notamment les plateformes atteignant plus de 10 % des 450 millions de consommateurs en Europe), dès lors qu’ils offrent des services au sein du marché unique, peu importe que leur lieu d’établissement se situe dans ou en dehors de l’Union Européenne.

Ainsi, tous les intermédiaires en ligne offrant leurs services au sein du marché unique, qu’ils soient établis dans l’UE ou en dehors de celle-ci, devront se conformer aux nouvelles règles.

Les nouvelles obligations

La Commission européenne répertorie seize nouvelles obligations au rang desquelles nous retrouvons par exemple, et ce pour tout type de prestataire de services : une obligation de transparence, d’adoption de conditions d’utilisation respectant les droits fondamentaux, de coopération avec les autorités nationales à la suite d’injonctions ou encore une obligation de nommer un point de contact, un représentant. Les très grandes plateformes auront à leur charge ces seize obligations (nous pouvons citer en plus une obligation d’adoption de codes de conduite ou encore d’audit des risques externes).

Digital Market Act

Certaines grandes plateformes en ligne se comportent comme des «contrôleurs d’accès» sur les marchés numériques. La législation sur les marchés numériques vise à garantir que ces plateformes se comportent équitablement en ligne. Avec la législation sur les services numériques, la législation sur les marchés numériques est l’un des piliers de la stratégie numérique européenne.

Vers la création d’une nouvelle catégorie juridique d’opérateur économique : “gatekeepers”

Les gatekeepers (ou contrôleurs d’accès) ont été défini dans la proposition comme des plateformes ayant une incidence certaine sur le marché intérieur, constituant une intermédiation forte et qui occupent ou occuperont une position solide et durable sur le marché. Cette future réglementation serait applicable à tous les acteurs proposant des services au sein du marché unique, à des professionnels ou consommateur, peu important leur lieu d’établissement.

Une présomption de qualification de “gatekeepers”

La proposition de règlement fixe également des seuils dont le dépassement emporterait présomption de qualification de gatekeeper : en termes de chiffre d’affaires, de capitalisation boursière, de valeur marchande, ou de nombre d’États Membres dans lesquels le service est fourni par exemple. Une plateforme atteignant un tel seuil devra le notifier à la Commission dans un délai de 3 mois à compter du dépassement. La Commission quant à elle aura un délai de 60 jours pour confirmer ou pas la qualification.

Exemple d’obligations des contrôleurs d’accès

Nous retrouvons par exemple, l’obligation de permettre à des tiers d’interagir avec leurs propres services dans des situations spécifiques, d’autoriser les entreprises utilisatrices à promouvoir leur offre et conclure des contrats en dehors de leur plateforme, de permettre à ces dernières d’accéder aux données générées par leurs activités sur la plateforme ou encore l’obligation de fournir aux entreprises faisant de la publicité sur leur plateforme les outils et informations nécessaires pour que les annonceurs et les éditeurs puissent effectuer leur propre vérification indépendantes des annonces hébergées par le contrôleur d’accès.

A ce titre, la Commission s’engage à mener des enquêtes de marché pour que ces nouvelles règles puissent suivre l’évolution des marchés numériques. Elle pourra entre autres désigner des entreprises comme contrôleurs d’accès ou concevoir des mesures correctives.

Le non-respect de ces obligations expose les contrôleurs d’accès à des sanctions sous forme d’amendes allant jusqu’à 10% du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’entreprise assorties d’astreintes allant jusque 5% du chiffre d’affaires journalier moyen.

Les prochaines étapes

Le Parlement et les États Membres examineront ces deux propositions selon la procédure législative ordinaire.

Ces projets et en particulier le Digital Market Act n’ont pas manqué de faire réagir notamment outre-Atlantique du côté des plateformes américaines.

Ainsi la Computer & Communication Industry Association (CCIA), association américaine comptant parmi ses membres notamment Google, Facebook, Ebay, Amazon, Tweeter, Uber, Mozilla, Intel et Rakuten, défend dans sa position, publiée ce 11 mars,  sur le projet de Digital Market Act, la liberté d’action des grandes plateformes « pour le bien des consommateurs », y compris dans « l’orchestration de leurs écosystèmes » et s’engage dans un lobbying auprès de la Commission afin que ne soient pas pénalisées par la nouvelle législation européenne à venir les plateformes ayant rencontrées le succès.

A suivre de près …

Par Cynthia Picart et Laurane Farrugia


15/03/21

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