Par une décision du 22 juin 2022, la Cour de cassation a jugé que doit répondre de la rupture brutale des relations commerciales établies avec un partenaire, la société, ici tête du réseau franchisé Leader Price, qui a imposé cette rupture à des entités, les sociétés franchisées, nonobstant le fait qu’elles soient juridiquement distinctes d’elle dès lors que ces dernières ne disposent pas d’une autonomie de décision (Cass. Com., 22 juin 2022, 21-14.230).
La société Esnault, spécialisée dans la commercialisation de fruits et légumes, approvisionnait certains magasins exerçant sous l’enseigne Leader Price.
La société Leader Price Exploitation (LPE), appartenant au groupe Franprix Leader Price, exploite des magasins sous l’enseigne Leader Price ou en détient des participations.
Se plaignant de la rupture brutale de relations commerciales établies et après une vaine mise en demeure, la société Esnault avait assigné la société LPE devant le Tribunal de commerce de Bordeaux, sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce [1].
La société Esnault ayant été placée en redressement judiciaire puis, en liquidation judiciaire, son liquidateur est intervenu volontairement à la procédure.
Par jugement du 15 juin 2018 [2], le Tribunal de commerce de Bordeaux a considéré les relations commerciales entre les Parties non établies et déboutait le fournisseur de toutes ses demandes.
Après avoir interjeté appel du jugement rendu, le liquidateur de la société Esnault a appelé en intervention forcée une autre société du groupe, la société Distribution Leader Price (DLP), pour avoir imposé cette rupture à ses franchisés et établissements sous licence qui, bien que juridiquement distincts d’elle, n’étaient pas autonomes à son égard dans la décision de rompre ces relations.
Par un arrêt rendu le 13 janvier 2021 [3], la Cour d’appel de Paris rejetait la demande en intervention forcée du liquidateur judiciaire, retenant que les magasins concernés par le litige étaient exploités, au moment de la rupture, par des sociétés différentes pourvues de personnalités juridiques autonomes et distinctes de la société LPE (franchise et/ou concession), de sorte que ces entités autonomes et indépendantes étaient personnellement responsables de la rupture brutale des relations commerciales établies commises au préjudice de la société Esnault, à l’exclusion de la société DLP.
Pour la Cour de cassation, qui considère que la circonstance selon laquelle les établissements en cause aient eu une personnalité juridique distincte de celle de la société qui a rompu la relation commerciale, n’excluait pas que cette dernière ait à répondre d’une rupture des relations commerciales qu’elle leur aurait, de fait, imposée.
Dans cette configuration, il revenait alors à la Cour d’appel, saisie d’un litige relatif à la rupture brutale des relations commerciales établies concernant un ensemble de sociétés, de rechercher « si ces sociétés disposaient, quel que soit leur statut, d’une autonomie de décision quant au choix de leurs fournisseurs et, le cas échéant, la poursuite de leur relation commerciale avec ceux-ci ».
Cette décision appelle donc à la prudence pour les têtes de réseau en cas de déréférencement de fournisseurs.
Par Mélanie Ravoisier – Ranson et Cynthia Picart
Notes :
01/08/22