Les délais de paiement à l’épreuve du Covid-19

Retour aux articles du blog

La crise sanitaire mondiale de Covid-19 est sans précédent sur l’économie et les relations d’affaires qu’elle malmène. Elle suscite de nombreuses interrogations notamment sur le respect des délais de paiement dans un tel contexte.

A la lumière de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 et des décrets et ordonnances pris en application, outre les annonces du Ministre de l’économie, nous vous apportons ci-après un éclairage.

Pouvez-vous déroger au respect de vos délais de paiement au prétexte de la pandémie ?

Pour mémoire, les délais de paiement entre entreprises sont strictement encadrés par la loi. Le Code de commerce dispose en son article L.441-10 I que :

« Sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues ne peut dépasser trente jours après la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation demandée.

Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours après la date d’émission de la facture.

Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois après la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. »

La loi prévoit également des délais spécifiques et dérogatoires à ceux susvisés pour certains types de produits (alimentaires périssables, boissons par ex.) et services (transport par ex.).

Le non-respect des délais de paiement expose à des pénalités de retard et des sanctions pécuniaires administratives.

Il peut être tentant pour une entreprise en période de difficultés économiques de limiter les pertes financières en dérogeant aux délais de paiement fixés par la loi ou par le contrat.

Cependant, la règle à retenir est celle d’une faible tolérance de l’administration et des autorités de contrôle face aux retards de paiement.

A cet égard, dans le contexte d’état d’urgence que connaît la France et de déstabilisation économique liée à la pandémie, afin d’éviter les faillites d’entreprises en cascade un comité de crise relatif aux délais de paiement a été constitué le 23 mars 2020 par le Ministre de l’économie, M. Bruno Lemaire, en réaction à de nombreux retards de paiement observés depuis le début de la crise, en particulier des grandes entreprises vis-à-vis des TPE et PME. Ce comité invite les entreprises à respecter les délais de paiement et à les réduire dans la mesure du possible.

En cas de signalement de retard de paiement d’une grande entreprise, le comité pourra mettre en place un dialogue avec cette dernière afin de l’inciter à procéder à son obligation.

En cas de refus, des mesures comme le Name and Shame (le fait de rendre public le nom des grands groupes n’exécutant pas leurs obligations) pourront être adoptées.

Par ailleurs, Bruno le Maire a annoncé que les entreprises à l’origine de retard ne bénéficieront plus de la garantie de l’Etat pour emprunter.

Une demande pourra également être effectuée auprès de leurs banques pour que celles-ci leur coupent leur accès au crédit.

Enfin, le comité informera le Ministre de l’Economie des entreprises réfractaires, qui appréciera les suites à donner à leur comportement.

La plus grande prudence est donc de mise.

Que faire en cas de retard de paiement de votre cocontractant ?

Si, en dépit de relance et d’une mise en demeure de paiement, vous ne parvenez pas à obtenir le règlement de votre rémunération contractuelle, en cette période exceptionnelle où l’activité des juridictions, et en particulier celle du tribunal de commerce, est suspendue jusqu’à la fin de la période de confinement, sauf cas d’urgence portant sur certains type de procédures, la procédure a mettre en œuvre pour obtenir le paiement de votre rémunération contractuelle dépendra de la typologie de l’entreprise à l’origine du retard de paiement.

Si le client en retard de paiement est une petite entreprise, il est conseillé aux entreprises de saisir le médiateur des entreprises. Cet organisme, placé auprès du Ministre de l’Economie, a pour but de venir en aide aux entreprises afin de résoudre leurs litiges via la médiation. La saisine doit se faire via le site internet du médiateur (www.mediateur-des-entreprises.fr).

En revanche, si le cocontractant est une grande entreprise (c’est-à-dire au chiffre d’affaires supérieur à 1,5 millions d’euros) il est conseillé d’effectuer un signalement auprès du comité mis en place spécifiquement pour répondre à la situation de crise actuelle. Ce signalement ne se fait en réalité pas directement auprès du comité mais auprès d’une organisation professionnelle (sont associées à la démarche l’U2P, la CPME, le Medef et l’Afep). Si cela n’est pas possible, il peut également être effectué auprès des chambres consulaires comme le Médiateur des entreprises, le Médiateur du crédit, les Chambres du Commerce et de l’Industrie, ou les directions régionales de répression des fraudes (les DIRECCTE). Les organisations professionnelles ou chambres consulaires ainsi saisies vont pouvoir informer le comité de crise, qui cherchera à négocier avec l’entreprise à l’origine du retard.

Il convient de noter que pour améliorer l’efficacité du comité, le Gouvernement encourage les entreprises ayant contracté avec de grandes entreprises à transmettre toutes informations relatives au comportement de paiement de leur cocontractant, même si ce dernier est parfaitement respectueux des délais de paiement, via les fédérations professionnelles ou chambres consulaires.

Par Cynthia Picart


02/04/20

s’inscrire à la newsletter