Musiques actuelles : Avis de l’Autorité de la concurrence

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Le 4 novembre 2019, la Commission des Affaires culturelles et de l’Education de l’Assemblée nationale a adressé une demande d’avis à l’Autorité de la concurrence sur le secteur des musiques actuelles, sur le fondement de l’article L.462-1 du Code de commerce.

 

Dans le cadre de sa saisine, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale s’interrogeait sur la réalité de l’existence d’« un phénomène de concentration qui touche les salles de concert et les festivals de musique actuelle, mais aussi la billetterie ou la production d’artistes »,  lequel soulèverait des questions d’un point de vue économique avec le « risque d’émergence de positions dominantes » ainsi que du point de vue de « la diversité culturelle et artistique en France ».

 

Comme le souligne l’Autorité de la concurrence elle était ainsi interrogée sur l’existence d’un phénomène de concentration dans le secteur des musiques actuelles qui a connu ces dernières années de fortes mutations notamment en matière de modèles économiques, et le risque d’émergence de positions dominantes avec, pour corollaire, une potentielle atteinte à la diversité culturelle.

 

A titre liminaire, il convient de préciser que la notion de « musiques actuelles », utilisée par les pouvoirs publics depuis les années 90,  regroupe différents genres musicaux qui peuvent être classés en quatre catégories :

  • les musiques amplifiées (pop/rock, reggae, musiques électroniques)
  • la chanson de variété
  • le jazz et musiques improvisées
  • les musiques du monde et traditionnelles

 

Les évolutions structurantes dans le secteur de la filière musicale

 

La filière musicale est structurée autour de la distinction entre les activités liées à l’industrie musicale d’une part, et celles liées au spectacle vivant d’autre part.

L’industrie musicale a connu d’importants bouleversements au cours des vingt dernières années impulsés par la révolution numérique et l’évolution des modes de consommation de la musique.

 

Sous l’effet de la « crise du disque », le chiffre d’affaires du secteur a été divisé par deux entre les années 2000 et 2010 (il est passé sur cette période de 1,1 milliard d’euros en France à 554 millions d’euros). Depuis, 2015 ce secteur connaît à nouveau une phase de croissance, à la faveur de l’évolution des modes de consommation et du développement des offres de streaming musical.

 

En effet, l’Autorité relève une dynamique de numérisation des usages, marquée par le développement des plateformes d’écoute spécialisée (Spotify, Deezer, Apple) ou plus généralistes (Youtube, Dailymotion). En 2013, 70% des ventes de musique se faisaient sur support physique. En 2020, c’est le streaming qui représente près de 70 % du total des ventes de musique.

 

L’Autorité note également une évolution des relations entre maisons de disques et artistes, en permettant à ces derniers d’accéder directement à des capacités de production, de distribution et de promotion via la désintermédiation permise par les réseaux sociaux et les plateformes musicales en particulier.

 

L’industrie du spectacle vivant réunit l’ensemble des spectacles « produits ou diffusés par des personnes qui, en vue de la représentation en public d’œuvre de l’esprit, s’assure la présence physique d’au moins nu artiste du spectacle percevant une rémunération » (Article L.7122-1 du Code du travail). Cette filière comprend des activités telles que la production de spectacles, l’exploitation de salles, l’organisation de festivals et la gestion de système de billetterie apparait, quant à elle, marquée par une forte hétérogénéité, que ce soit en termes de structures juridiques (structures privées, associatives ou publiques) ou de modèles économiques.

 

La filière du spectacle vivant est bouleversée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19, la baisse du chiffre d’affaires est estimée à 74% en 2020. Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer les effets à long terme sur les modèles économiques et la pérennité de certains acteurs, l’Autorité précise qu’elle veillera à ce qu’une concurrence non faussée puisse continuer à s’y exercer.

Les stratégies de diversification mises en œuvre par certains acteurs

 

L’Autorité note un mouvement de diversification, s’agissant des majors, guidé notamment par la crise du disque, qui s’est traduit par l’acquisition et/ou le lancement de structures dédiées à la production des spectacles et l’organisation de festivals, voire même à l’exploitation de salles de spectacles et la gestion de billetterie.

 

L’Autorité observe également une dynamique marquée par l’entrée d’acteurs issus de l’industrie audiovisuelle et des médias dans le secteur des musiques actuelles bénéficiant d’avantages résultant de leur capacité à « faire jouer des synergies » entre leurs différentes activités.

 

Le développement en France d’acteurs internationaux

 

L’Autorité a observé le développement significatif d’acteurs internationaux en France, tels que les groupes Live Nation et Anschutz Entertainment Group, qui ont notamment créé ou pris des participations dans l’organisation de festivals et l’exploitation de salles.

 

Le développement des plateformes dans la filière musicale  

 

L’Autorité note que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont devenus des acteurs majeurs dans le secteur musical à travers leur activité de distribution de musique enregistrée et de diffusion de vidéos. Leur présence est un peu plus limitée dans le secteur du spectacle vivant, mais il n’est pas exclu qu’ils puissent y jouer un rôle important compte tenu des atouts dont ils disposent pour s’y insérer.

 

Dans son avis (avis n°21-A-08 du 27 mai 2021 relatif à une demande d’avis de la Commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l’Assemblée nationale dans le secteur des musiques actuelles), l’Autorité estime qu’elle dispose des outils nécessaires pour assurer le fonctionnement concurrentiel du secteur à travers ses outils d’intervention ex-ante au titre du contrôle des concentrations mais aussi ex-post, à travers la répression des pratiques anticoncurrentielles.

 

 

Par Cynthia Picart et Najwa El Kandoussi


28/05/21

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