Opération de visite et saisie dans les locaux de Whirlpool : nouvelle cassation, nouveau renvoi

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 août 2021, 20-84.591, Inédit

Historique de l’affaire

En octobre 2013, sur autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD) de Bobigny, des opérations de visite et de saisie (OVS) avaient été menées dans les locaux des sociétés Fagor Brandt et Samsung dans le cadre d’une enquête relative à un système d’ententes prohibées à dimension nationale, entre les fabricants, les grossistes et les grandes enseignes de détail dans le secteur de la distribution de produits électroménagers.

 

Le 21 mai 2014, le JLD de Paris avait autorisé, en application des dispositions de l’article L.450-4 du Code de commerce, des OVS dans les locaux de plusieurs sociétés, dont la société Whirlpool France. Cette ordonnance avait été requise par le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence en se fondant sur des éléments issus des opérations de 2013.

 

Sur appel de la société Whirlpool, le premier président de la Cour d’appel de Paris confirmait, le 8 novembre 2017, l’ordonnance du 21 mai 2014 en toutes ses dispositions.

 

Sur pourvoi de cette même société, la Cour de cassation, dans un arrêt diffusé largement (P+B+I) le 13 juin 2019, annulait l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Paris, au motif que Whirlpool, ayant le statut de mise en cause, aurait dû être se voir notifier les OVS intervenues en 2013 et être en mesure d’exercer immédiatement un recours sur le déroulement de celles-ci.

 

Sur renvoi après cassation, la Cour d’appel de Paris avait alors annulé, le 8 juillet 2020, l’ordonnance du JLD de Paris autorisant l’Autorité à effectuer des OVS dans les locaux de la société Whirlpool.

 

L’annulation était d’autant plus encourue que les indices qui avaient permis au rapporteur de l’Autorité de solliciter du JLD les OVS dans les locaux de Whirlpool avaient préalablement été saisis à l’occasion des OVS réalisées dans les locaux de la société Samsung, lesquelles OVS avaient elles-mêmes été annulées par la Cour de cassation.

 

Devant la Cour de cassation, l’Autorité :

  • contestait la qualification de « personne mise en cause » appliquée à Whirlpool ;

 

  • reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir procédé à la demande qui lui était faite de rechercher si, abstraction faite des éléments illégalement collectés dans les locaux de Samsung, les autres éléments produits constituaient un indice ou un faisceau d’indices justifiant l’autorisation du JLD ; et

 

  • reprochait à la Cour d’appel d’avoir annulé « en toutes ses dispositions » l’ordonnance de mai 2014, alors que seule la société Whirlpool avait formé un recours, de sorte qu’elle avait commis un excès de pouvoir et méconnu l’étendue de sa saisine.

 

  • Sur la violation de l’article l.450-4 du code de commerce et du droit a un recours effectif

La Cour de cassation juge le moyen irrecevable, dès lors que la Cour d’appel de renvoi avait statué en conformité avec l’arrêt de cassation qui l’avait saisie et, faute de changement de norme intervenu postérieurement, il ne revenait pas à la Cour de cassation de revenir sur la solution, claire et non équivoque, qu’elle déjà dégagée en 2019.

 

  • Sur l’irrégularité de l’ordonnance du JLD fondée sur des pièces illégalement saisies

La Cour de cassation accueille ici le moyen du rapporteur de l’Autorité, jugeant qu’en se déterminant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a méconnu les articles L.450-4 du Code de commerce et 561 du Code de procédure civile en ne recherchant pas, comme elle était invitée à le faire, si, après avoir écarté les éléments illicites, l’existence de pratiques anticoncurrentielles n’étaient pas caractérisées pour justifier les OVS.

 

  • Sur l’excès de pouvoir

Rappelant l’article 4 du Code de procédure civile selon lequel l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel, jugeant qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle n’était saisie d’un recours par la société Whirlpool, elle a excédé les limites de sa saisine en annulant l’ordonnance « en toutes ses dispositions ».

 

L’affaire est une nouvelle fois renvoyée devant la Cour d’appel de Paris autrement composée. Affaire à suivre donc…

 

[1] Groupement Interprofessionnel des Fabricants d’Appareils d’Equipements Ménagers

 

Par Mélanie Ravoisier-Ranson et Cynthia Picart


10/09/21

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