En juin dernier, le cabinet PICART participait à l’une des contributions de l’Association des avocats pratiquant le droit de la concurrence (« APDC »)[1] adressée à la Commission européenne dans le cadre d’une consultation publique ouverte le 24 mai 2022 concernant la refonte de la Communication relative aux lettres d’orientations informelles[2].
Il s’agit pour mémoire, d’un mécanisme permettant aux entreprises ayant un doute quant à la conformité de leurs projets au regard du droit de la concurrence, de solliciter la Commission afin d’obtenir d’elle une lettre d’orientation informelle sur l’application des règles de concurrence de l’UE à des questions nouvelles ou non résolues qui se poseraient à elles dans le cadre de leurs projets.
Quelques propositions d’ajouts au nouveau texte envisagé par la Commission avaient été proposées à la Commission dans ce cadre.
La Commission vient de rendre publique la version finale et adopté de sa nouvelle Communication qui vise à accroître la sécurité juridique dans l’intérêt des entreprises qui souhaitent obtenir des orientations lors de l’évaluation de la légalité de leurs actions au regard des articles 101 et 102 du TFUE [3] .
Après analyse du texte adopté, voici nos observations sur les changements opérés.
Outil normalement destiné à permettre aux entreprises d’arbitrer sur la mise en œuvre de leurs projets pour lesquels elles auraient un doute quant à leur conformité aux articles 101 et 102 du Traité FUE[4] , en pratique le recours à cet outil est depuis 16 ans (date de son entrée en vigueur) peu usité par les entreprises. L’une des principales raisons du défaut de demande d’assistance auprès de la Commission par les entreprises tient à la crainte de ces dernières de voir ouvrir à leur égard une procédure par la Commission conformément aux pouvoirs qu’elle tient du Règlement 1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence[5].
La nouvelle Communication ne vient pas dissiper ce risque. La rédaction des paragraphes 18, 19 et 25 de la Communication refondue continuent de réserver la possibilité pour la Commission d’ouvrir une procédure dans le cadre de la soumission d’informations par les entreprises.
Cette faculté de la Commission en cas de demande de lettre d’orientation informelle risque de faire renoncer les demandeurs, d’autant qu’ils restent responsables de la première évaluation de conformité de leur projet au regard du droit de la concurrence qu’ils devront soumettre à la Commission et que la planification de leur projet doit avoir « atteint un stade suffisamment avancé »[6] pour qu’elle considère leur demande.
La présentation à la Commission par une entreprise d’une demande d’orientations concernant un projet dont la planification est anticipée n’est pas l’une des seules conditions nécessaires pour obtenir une réponse de la Commission. Ces exigences sont maintenant plus étendues que dans la précédente Communication. Elles sont relatives à l’appréciation par la Commission de l’opportunité d’envoyer une lettre d’orientation[7] et à la manière de lui adresser une demande[8], à défaut de respect de laquelle, les demandeurs risquent de voir leur demande non traitée par la Commission.
Concernant le cadre permettant d’apprécier l’opportunité pour la Commission d’envoyer une lettre, les conditions tenant à la nature de la question qui doit être nouvelle, irrésolue ainsi que présenter un intérêt pour la Commission européenne d’y répondre figurent toujours parmi les éléments nécessaires. Cette dernière exigence est par ailleurs renforcée, puisque s’ajoute aux critères d’appréciation de cette condition « la pertinence des objectifs de l’accord ou de la pratique unilatérale pour la réalisation des priorités de la Commission ou de l’intérêt de l’Union »[9].
D’autre part, la liste des éléments devant intégrer les demandes envoyées par les entreprises s’est allongée. L’appréciation préliminaire de la pratique en cause au regard des règles de concurrence par les demandeurs eux-mêmes constitue l’une des grandes nouveautés de ce texte[10]. Désormais, un travail d’expertise et de motivation plus important leur sera demandé en amont d’une demande d’orientations à la Commission.
En résumé, cette nouvelle Communication ne remédie pas aux points qui font obstacle à son recours plus large par les entreprises, manifestement au regard de la nouvelle rédaction du texte et des nouveautés qu’il contient, la méfiance des entreprises demeurera de mise.
L’outil nous semble à date insuffisamment protecteur des demandeurs qui, malgré eux, peuvent s’exposer par son recours à un risque de poursuite à raison des éléments qu’ils auraient portés à la connaissance de la Commission dans le cadre de leur demande de lettre d’orientation.
Par Anne Schmitt et Cynthia Picart
[1] Avocats pratiquant le droit de la concurrence, Contribution to the public consultation on the draft revised Commission notice on informal guidance relating to novel or unresolved questions concerning articles 101 and 102 of the Treaty on the Functioning of the European Union that arise in individual cases (guidance letters), 21 juin 2022
[2] Commission européenne, (2004/C 101/06), « Communication de la Commission relative à des orientations informelles sur des questions nouvelles qui se posent dans des affaires individuelles au regard des articles 81 et 82 du traité CE (lettres d’orientation), 27.04.2004
[3] Commission européenne, (2022/C 381/07), « Communication de la Commission relative à des orientations informelles sur des questions nouvelles ou non résolues qui se posent dans des affaires individuelles au regard des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (lettres d’orientation) », 4.10.2022
[4] Commission européenne, (2022/C 381/07), Communication précitée, §4 et, Règlement (CE) n° 1/2003, Considérant 38
[5] Conseil de l’Union européenne, Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002
relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOCE 4.01.2003
[6] Commission européenne, (2022/C 381/07), Communication précitée, §9
[7] Commission européenne, (2022/C 381/07), Communication précitée, Titre II
[8] Commission européenne, (2022/C 381/07), Communication précitée, Titre III
[9] Commission européenne, (2022/C 381/07), Communication précitée, §7, b)
[10] Commission européenne, (2022/C 381/07), Communication précitée, §12
10/10/22