Le Conseil Constitutionnel saisit d’une question prioritaire de constitutionnalité par une centrale d’achat européenne doit se prononcer sur cette question.
Pour mémoire, la loi dispose que « lorsque, à l’occasion d’une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l’encontre d’un même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s’exécutent cumulativement. » Tel est le contenu de l’article L.470-2 VII du Code de commerce. A l’origine du texte, figuraient une précision d’importance, le cumul était prévu dans la « limite du maximum légal le plus élevé ».
Ce plafond maximum a néanmoins été abrogé par la loi Sapin 2 (loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) pour les amendes infligées au titre de pratiques anticoncurrentielles.
Dans l’affaire pendante devant le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’État lui a renvoyé le soin de se prononcer sur la conformité de cette disposition législative à la Constitution, suite à une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Eurelec Trading. Cette question prioritaire de constitutionnalité fait suite à la demande d’Eurelec Trading formée devant le tribunal administratif de Paris tendant notamment à l’annulation de la décision du 28 août 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France lui a infligé une sanction administrative d’un montant de 6 340 000 euros prononcée à son encontre du fait du non-respect de la date butoir des négociations commerciales pour conclure une convention écrite entre fournisseur et distributeur et à la décision du ministre de l’économie, des finances et de la relance du 28 décembre 2020 rejetant son recours du 27 octobre 2020 à cet égard.
Par une décision rendue le 29 décembre 2021 (CE 29/12/2021 n°457203 Sté Eurelec Trading), la plus haute juridiction administrative a fait droit à cette demande.
À ce titre, l’article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
Cette saisine du Conseil Constitutionnel nécessitant la réunion de trois conditions : la disposition contestée est applicable à la procédure, la disposition n’a pas été déjà déclaré conforme à la Constitution via une décision de ce même Conseil (excepté un changement de circonstances) et la question lui étant adressée revête un caractère sérieux. Toutes réunies en l’espèce selon le Conseil d’Etat.
Pour mieux comprendre l’enjeu de la QPC soulevé par Eurelec Trading, il convient de rappeler qu’après avoir été déclarés conformes à la Constitution par une décision n° 2014-690DC du 13 mars 2014, les mots « dans la limite du maximum légal le plus élevé » ont été supprimés de l’article validé par le Conseil constitutionnel, comme rappelé ci-avant.
Le Conseil d’État considère cette modification comme substantielle vis-à-vis de la portée de la sanction, et renvoie au Conseil constitutionnel le soin de se prononcer sur l’atteinte ou non au principe de nécessité des délits et des peines de l’article L.470-2 VII du Code de commerce dans sa nouvelle rédaction issue de la loi Sapin 2.
A cet égard, les requérants estiment pour leur part que la disposition contreviendrait à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et son principe de nécessité des délits et des peines estimant la sanction disproportionnée par à rapport à la gravité des faits reprochés.
Reste à voir si le Conseil constitutionnel fera sienne cette analyse….
Par Cynthia Picart et Marc Maloisel
15/01/22