Par arrêt du 25 novembre 2020 (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 novembre 2020, 18-86.955, Publié au bulletin) la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence majeur en reconnaissant qu’en cas de fusion-absorption, la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée pour des infractions commises par la société absorbée avant l’opération.
A ce titre, la société absorbante peut être pénalement condamnée à une peine d’amende ou de confiscation.
Ce transfert de responsabilité pénale ne s’applique qu’aux fusions-absorptions entrant dans le champ de la directive européenne 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978, relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017, et ne s’appliquera qu’aux opérations de fusion conclues postérieurement au 25 novembre 2020, date de prononcé de l’arrêt, afin de ne pas porter atteinte au principe de prévisibilité juridique découlant de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le champ d’application à proprement parler de cette décision soulève toutefois une certaine ambiguïté puisque l’arrêt vise certes la Directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative aux sociétés anonymes mais dans le même temps l’article L. 236-3 du Code de Commerce qui prévoit la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée vers la société absorbante et qui s’applique par extension à toutes les sociétés commerciales, outre que dans l’affaire jugée, la société absorbante était une SAS… la plus grande vigilance est donc de mise !
Pour rappel, jusqu’à présent, la Cour de cassation appliquait le principe légal de la personnalité des peines codifié à l’article 121-1 du Code pénal selon lequel nul n’est responsable pénalement que de son propre fait et, celui, propre aux personnes physiques, selon lequel le décès du prévenu entraîne l’extinction de toute poursuite pénale raisonnant à cet égard par analogie avec la personne morale en considérant que l’opération de fusion faisait disparaître la personnalité juridique de la société absorbée.
Par suite, ces principes faisaient obstacle pour la Cour à la condamnation pénale d’une société absorbante en lieu et place de la société absorbée.
Il s’ensuit que selon la Cour l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’oppose pas à ce que l’article 121-1 du code pénal soit désormais interprété comme permettant que la première soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la seconde avant l’opération de fusion-absorption.
Cette interprétation renouvelée des textes internes, permise par le droit issu de la Convention européenne des droits de l’homme et induite par le droit de l’Union européenne, permet d’éviter que la fusion-absorption ne fasse obstacle à la responsabilité pénale des sociétés.
Par ailleurs, la Cour de cassation juge, pour la première fois, qu’en tout état de cause la responsabilité pénale pleine et entière de la société absorbante peut être engagée si l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale. Il s’agirait dans une telle hypothèse d’une fraude à la loi, de sorte que toutes les sociétés, quelle que soit leur forme, sont concernées et que toute peine encourue peut être prononcée.
Par Cynthia Picart
27/11/20