Le non-renouvellement de contrat de prestation de services à durée déterminée constitue une rupture brutale de relations commerciales établies, nouvelles précisions de la Cour de cassation (Cass.com. 28 septembre 2022, n°21-16.209[1])
La Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée une nouvelle fois dans une affaire de rupture brutale de relations commerciales établies opposant deux anciens partenaires commerciaux.
En l’espèce, la société Millet, connue pour produire des équipements sportifs, avait l’habitude de conclure des contrats de prestation de services, sous entête de « contrat de collaboration artistique », avec la société Melrose chargée de l’assister dans la recherche de tendances en vue de la création de ses produits.
Les premiers contrats avaient été conclus en 1996, le dernier en 2015. Le nombre de contrats conclu chaque année était amené à varier en fonction du nombre de saisons pour lesquelles les services de la société Melrose étaient sollicités.
A l’issue d’un ultime contrat passé en 2015, Millet a mis définitivement fin à la relation commerciale que ces deux sociétés entretenaient.
La fin de leur collaboration avait été précédée d’un courrier de Millet indiquant à Melrose qu’elle souhaitait pouvoir mettre un terme au partenariat, à l’issue de l’achèvement des prestations définies par ce dernier si le nouveau fonctionnement testé ne lui donnait pas satisfaction.
Après avoir admis que la relation commerciale entre les parties étaient établies du fait de la conclusion continue de contrats de prestation de services, malgré l’absence de contrat cadre entre les parties, la Cour de cassation retient que le seul caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale n’exclut pas son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis.
Pour rappel, le caractère établi des relations commerciales est laissé à l’appréciation des juges du fond. C’est donc au gré de la jurisprudence rendue au regard des faits de chaque espèce que les relations commerciales établies se définissent.
Cette décision de la chambre commerciale est à rapprocher de celle rendue le 11 mai 2022, IDF c/ Gifi[2].
Dans cette affaire, la Cour avait aussi conclu à la stabilité des relations commerciales au terme d’une relation de trois ans entre les parties, lesquelles passaient également chaque année des contrats de prestation de services.
La Cour avait toutefois rejeté le pourvoi formé par Gifi contre l’arrêt d’appel, lequel avait suffisamment fait ressortir la clause de reconduction tacite de chacun des contrats pour établir la continuité des relations commerciales… ce qui n’était pas le cas en espèce des contrats conclus entre Melrose et Millet.
En cassant et annulant la décision de la Cour d’appel[3] qui n’avait pas qualifié d’établies les relations commerciales alors même qu’aucune reconduction tacite des contrats de prestation de service n’était prévue, faut-il en déduire que la chambre commerciale est allée plus loin pour permettre de caractériser de telles relations entre anciens partenaires commerciaux ?
Quoiqu’il en soit, quelques enseignements à l’attention des entreprises ayant l’habitude de conclure des contrats avec des prestataires extérieurs sont à tirer de cette décision :
D’abord, peu important que les contrats de prestation à durée déterminée aient été conclus sans contrat-cadre, la seule continuité de leur passation peut permettre de retenir que les relations commerciales sont établies.
Il est donc important, avant de passer et de renouveler ce type de contrat, de retenir que c’est leur renouvellement sur le long terme qui permettra de qualifier les relations commerciales comme étant établies.
Par ailleurs, le seul fait d’évoquer par un courrier la possibilité de mettre fin à des relations commerciales sans que cela soit sans équivoque quant à la rupture à venir ne permet pas de faire courir le délai de préavis nécessaire pour ne pas retenir le caractère brutal de la rupture des relations commerciales.
La vigilance est donc toujours de mise en cas de fin de relation commerciale…
Par Anne Schmitt et Cynthia Picart
[1]Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 septembre 2022, n°21-16.209
[2]Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mai 2022, n°21-11.337
[3]Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 4, 10 février 2021, n°18/27645
10/11/22