Rupture brutale des relations commerciales établies : le caractère prévisible de la rupture n’exclut pas sa brutalité

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Dans une affaire portant sur la rupture d’une relation commerciale établie fondée sur une contrat de distribution exclusive entre une société hollandaise et son distributeur français, la Cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 5 – chambre 4, 29 mai 2019, n° 17/01560) a rappelé le principe de la brutalité d’une rupture de relations commerciales établies.

Ainsi et pour mémoire, aux termes de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce (désormais L.442-1 du Code de commerce) – article applicable en l’espèce eu égard à la date de la rupture :

« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (‘) de rompre unilatéralement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure».

La rupture des relations commerciales établies peut intervenir à effet immédiat à la condition qu’elle soit justifiée par des fautes suffisamment graves imputées au partenaire commercial.

Une relation commerciale « établie » présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d’anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu’elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité voire sa régularité.

Il ressort de l’article précité que la brutalité de la rupture résulte de l’absence de préavis écrit ou de l’insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures. L’évaluation de la durée du préavis à accorder est fonction de toutes les circonstances de nature à influer son appréciation au moment de la notification de la rupture, notamment de l’ancienneté des relations, du volume d’affaires réalisé avec l’auteur de la rupture, du secteur concerné, de l’état de dépendance économique de la victime, des dépenses non récupérables dédiées à la relation et du temps nécessaire pour retrouver un partenaire sur le marché, de rang équivalent.

En l’espèce, les parties à l’affaire étaient en relation contractuelle depuis 6 ans selon contrat de distribution exclusive conclu entre elles. Pour tenter de prétendre à l’absence de brutalité de la rupture de la relation commerciale établie née de ce contrat, l’intimée a invoqué sa prévisibilité, outre que la notification du non renouvellement du contrat s’est faite conformément aux conditions du contrat qui prévoyait un préavis de trois mois.

Pour juger du caractère brutal de la rupture, la Cour rappelle le principe que « le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis. »

En conséquence, la Cour d’appel de Paris a considéré ici que l’argument de la prévisibilité argué par l’intimée n’était pas pertinent et ne faisant pas obstacle à la brutalité de la rupture. La Cour a alors confirmé le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris du 14 décembre 2016 (Tribunal de commerce de Paris, 19ème chambre, 14 décembre 2016, n° 2014028334) jugeant d’une rupture présentant un caractère brutal dans cette affaire.


06/08/19

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