Rupture brutale des relations commerciales établies : Revirement

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Désormais, l’action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies est de nature contractuelle s’il est démontré que la relation commerciale repose sur une relation contractuelle tacite. Il s’agit là de la première application par la Cour de cassation de la jurisprudence Granarolo de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 14 juillet 2016, aff. C-196/15).

Pour rappel, dans l’affaire Granarolo, un distributeur français agissait à l’encontre d’un fournisseur italien devant les tribunaux français aux fins d’engager sa responsabilité pour rupture brutale de leur relation commerciale. Aucun contrat-cadre ou stipulation d’exclusivité n’avait été signé entre eux.

En première instance, la juridiction française s’était déclarée compétente au motif que l’action avait un caractère délictuel (conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation ).

Devant la Cour d’appel de Paris, le fournisseur contestait la compétence des juridictions françaises, considérant que l’action en responsabilité avait une nature contractuelle.

La CJUE, sur question préjudicielle, considère qu’il revient au juge national de vérifier si la relation commerciale établie repose sur une relation contractuelle tacite. Cette démonstration doit alors s’appuyer sur un faisceau d’indices tels que :

(i) l’existence de relations commerciales établies de longue date,
(ii) la bonne foi entre les parties et
(iii) la régularité des transactions et leur évolution dans le temps exprimée en quantité et en valeur.

Cette démonstration faite, ladite action en responsabilité est selon la CJUE de nature contractuelle.

Poursuivant son raisonnement, la CJUE précise que le juge compétent pour trancher le litige dépend de la qualification donnée au contrat.

Si les relations commerciales ont pour seul objet la livraison et l’enlèvement de marchandises, le contrat est un contrat de vente. C’est alors le tribunal du lieu où les marchandises sont livrées qui est compétent.

Si les relations commerciales ont pour objet la livraison de marchandises mais également la fourniture de services (par exemple : participation à la stratégie commerciale du fournisseur par des opérations promotionnelles en contrepartie du versement d’une rémunération et/ou du bénéfice d’une exclusivité, etc), le contrat est un contrat de fourniture de services.

C’est alors le tribunal du lieu où le service est fourni qui est compétent.

Le 20 septembre 2017, la Cour de cassation applique pour la première fois cette jurisprudence et considère que la relation d’affaires de longue date entre un fournisseur belge et un distributeur français est de nature contractuelle (Cass.com. 20/09/2017, n°16-14812)

Le contrat ayant pour seul objet la livraison et l’enlèvement des marchandises en Belgique, il devait être qualifié de contrat de vente, de sorte que les tribunaux français n’étaient pas compétents.

La Cour de cassation marque ainsi le pas et opère un revirement par rapport à sa jurisprudence jusqu’alors constante en la matière qualifiant de délictuelle l’action fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies.


08/10/17

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