Distribution sélective et marketplace : Le cas Coty

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Le fournisseur de produits de luxe peut interdire dans ses contrats de distribution sélective la revente de ses produits sur une marketplace non-agréée, c’est ce qu’a jugé la Cour de justice de l’Union Européenne dans un arrêt très attendu concernant la société Coty (CJUE, 6 décembre 2017, C-230/16).

La CJUE a ainsi clarifié le point litigieux de l’interdiction ou restriction à la vente sur internet de produits dont la commercialisation fait l’objet de distribution sélective.
En effet, depuis l’arrêt Pierre Fabre (CJUE 13 octobre 2011, aff. C-439/09), le développement du commerce en ligne rendait nécessaire des précisions sur le régime applicable aux rapports entre distribution sélective et vente sur Internet. Et ce d’autant que, se fondant sur la jurisprudence Pierre Fabre, certaines cours et autorités nationales, notamment l’Autorité allemande (BKA) et l’Autorité de la concurrence française (ADLC), étaient particulièrement réticentes aux restrictions ou interdictions de vente sur internet.

Cette réticence a pu être constatée dans de nombreuses affaires dont :

  • l’affaire ADIDAS (BKA 19 août 2014- B3-137/12 et ADLC 18 novembre 2015),
  • l’affaire GARDENA (BKA 27 novembre 2013, B5-144/13 relative au secteur de l’équipement de jardin)
  • l’affaire ASICS ou encore l’affaire SAMSUNG (ADLC 14-D-07 du 23 juillet 2014).

En l’espèce, l’entreprise Coty Germany vend des produits cosmétiques de luxe en Allemagne au travers un réseau de distribution sélective.

Dans ses contrats avec ses distributeurs agréés, elle encadre les modalités de revente de ses produits sur Internet, en autorisant leur revente sur Internet à condition toutefois que cette activité de revente soit réalisée par le biais d’une marketplace agréée et que le caractère luxueux des produits soit préservé. Elle interdit en revanche à ses distributeurs d’avoir recours, de façon visible, à des plateformes tierces.

Constatant que l’un de ses distributeurs agréés violait cette interdiction en distribuant ses produits sur la plateforme « Amazon.de », elle l’a assigné devant les juridictions allemandes.

Saisie de questions préjudicielles, la CJUE apporte des précisions sur trois points :

  • Le réseau de distribution sélective qui porte sur des produits de luxe est licite« pour autant que le choix des revendeurs s’opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d’une manière uniforme à l’égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ». Ce système, en l’espèce, était nécessaire pour préserver l’image de luxe.
  • La clause d’interdiction de revente sur internet de manière visible sur des marketplaces non agréées n’est pas contraire à l’article 101§1 du TFUE dès lors qu’elle permet au fournisseur, de manière appropriée et proportionnée, de s’assurer que ses produits sont vendus dans un environnement qui correspond au caractère luxueux et de prestige de ses produits.
  • Une telle clause ne constitue pas une restriction caractérisée au sens du règlement (UE) n° 330/2010 dans la mesure où l’interdiction n’est pas absolue.

Par un arrêt du 28 février 2018, la Cour d’appel de Paris reprend fidèlement la position de la Cour de justice, dans une affaire qui opposait cette fois la société COTY France à la société Showroomprivé.com s’agissant de la vente de certains de ses parfums de marque Calvin Klein sur le site Showroomprivé.com (CA Paris Pôle 5 Ch. 4 28/02/2018, RG n°16/02263).

Reste désormais à connaître la portée de cette affaire. Que faut-il entendre par « produits de luxe » ?

Pour une grande majorité de produits (électroménager, équipement sportif, etc.) le débat reste ouvert…


05/03/18

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