Longtemps attendue, la réforme du droit des contrats a finalement vu le jour, par la publication de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 “portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations” (JO du 11 février 2016, texte n°26).
Pour rappel, la loi de modernisation et de simplification du droit, promulguée le 16 février 2015, a autorisé le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à la réforme du droit des contrats, du régime de la preuve et des obligations, et cela dans un délai de 1 an maximum, soit jusqu’au 16 février 2016.
Cette réforme amorce une dynamique de “dépoussiérage” et de renouveau du droit commun des contrats et des obligations aux fins de modernisation et de simplification du droit. Plus particulièrement, elle emporte un certain nombre d’évolutions majeures impactant l’ensemble des contrats d’affaires qu’il convient de maîtriser. Les nouvelles règles issues de l’ordonnance s’appliqueront aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.
Sur la forme, l’ordonnance modifie la structure du Livre III du Code civil, réorganisant ou réécrivant ses dispositions, dans un souci de clarté, de lisibilité et d’intelligibilité.
Sur le fond , plusieurs grands axes de nouveautés, qui influeront nécessairement sur la négociation, la formation et la rédaction des contrats d’affaires à compter du 1er octobre 2016, sont à relever.
Même si la plupart des nouvelles dispositions introduites dans le Code civil, régissant le contrat et les obligations, sont supplétives de volonté et peuvent donc être écartées par les parties, un certain nombre d’entre elles, généralement issues de la jurisprudence ou de textes spécifiques, sont érigées au rang de dispositions d’ordre public, les parties ne pouvant donc y déroger.
À ce titre, peuvent être cités, le devoir de bonne foi, le devoir général d’information pré-contractuelle, étendus à la négociation et à la formation du contrat, l’interdiction de priver de sa substance l’obligation essentielle du débiteur, l’interdiction des clauses des contrats d’adhésion créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Sujets d’une jurisprudence abondante, le pacte de préférence et la promesse unilatérale sont désormais définis dans le Code civil.
Leur régime y est également en partie précisée, confirmation de la jurisprudence en matière de pacte de préférence, mais innovation en matière de promesse unilatérale.
Le “contrat d’adhésion”, contrat “dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties”.
Il ne s’agit cependant là que d’une apparence.
En effet, la notion d’objet se retrouve à l’article 1128 (nouvelle numérotation) du Code civil et est remplacée par ” l’exigence d’un contenu certain et licite”.
Quant à la notion de cause, elle est préservée par (i) l’article 1169 nouveau qui dispose que dans les contrats à titre onéreux, la prestation doit avoir, au moment de la formation du contrat, une contrepartie ni illusoire ni dérisoire ; (ii) par l’article 1162 selon lequel le contrat ne peut pas déroger à l’ordre public par son but.
– L’introduction de la notion d’abus de dépendance économique comme cas de violence permettant l’annulation du contrat pour vice du consentement.
– La consécration de la notion de déséquilibre significatif dans le Code civil.
S’inspirant des dispositions spéciales déjà existantes dans le Code de la consommation (article L.132-1 relatif aux clauses abusives dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs) et le Code de commerce (article L.442-6, I 2° relatif aux pratiques restrictives de concurrence dans les relations entre partenaires économiques), l’ordonnance introduit la notion de déséquilibre significatif en droit commun des contrats la limitant toutefois au seul contrat d’adhésion.
L’appréciation du déséquilibre significatif s’avère être plus restrictive en droit commun que celle de l’article L.442-6 I 2° du Code de commerce, car contrairement à ce qui est admis par la jurisprudence commerciale s’agissant de l’appréciation du déséquilibre significatif au visa de l’article L.442-6 I 2° du Code de commerce, il ne sera pas possible au juge en matière civile de se fonder sur l’adéquation du prix à la prestation pour juger de la caractérisation ou non du déséquilibre.
Jusque-là, la cession de dettes ne se concevait pas en droit civil puisque la cause de la dette entre le cessionnaire et le créancier ne s’avérait pas identique à la cause liée à la dette entre le cédant et le créancier.
Le mécanisme de la cession de dettes introduit dans le Code civil consiste pour le débiteur d’une créance (le cédant), à céder sa dette à une autre personne (le cessionnaire) avec l’accord du créancier concerné.
Enfin, sont également à noter l’introduction de dispositions spécifiques portant sur :
– L’imprévision, qui jusque là n’était pas admise en droit commun des contrats. Désormais, le contrat pourra être révisé en cas de ” changement de circonstances imprévisible”, et ce en l’absence de clause de révision dans le contrat.
– La cession de contrats. Sous réserve de l’accord du cocontractant cédé, constaté par écrit, le contrat pourra être cédé par le cocontractant cédant à un tiers et librement circuler.
Il conviendra alors de porter une attention particulière aux sorts des sûretés consenties par des tiers et attachées au contrat cédé.
L’entrée en vigueur de cette réforme annonce donc un vent de changements qui nécessite de se préparer en amont afin d’être en mesure d’anticiper et de se conformer aux nouvelles dispositions, le jour de son entrée en vigueur.
09/05/16